samedi 1 décembre 2012

Haïti : L'hygiène et l'EAU


Vastes sujets que j'aborde là... et pourtant je n'en ai pas l'impression, aussi étonnant que cela puisse paraître.

La manière dont les haïtiens s'approvisionnent en eau dépend de son utilisation.

Si c'est pour être bu, l'eau est généralement achetée dans de gros boillons en plastique d'une contenance de un gallon (= 3.79 litres) qui peuvent être re-remplis “à la pompe” dans de petits commerces. Cela coûte 25 Gourdes (~0.6$) à Port-au-Prince, 35 Gourdes (~0.9$) à Carrefour vert alors qu'en comparaison un Coca de 5dl coûte 25 Gourdes. Ces fabriques puisent l'eau dans les nappes phréatiques et la purifie selon des procédés divers dont le plus répandu semble celui de l'osmose inverse que j'avais décrit dans ce poste. L'eau est également vendue dans de petits sachets plastiques (3 pour 5 Gourdes) plus facilement transportables, vendables et qui ont le grand avantage de pouvoir être refroidi. En effet, les haïtiens ADORE les boissons glacées.

Pour cuisiner, se laver ou réaliser d'autres tâches de nettoyage par exemple, les haïtiens s'approvisionnent plutôt aux divers puits que comprend la communauté. Ceux-ci peuvent ressembler à de simples trous plus ou moins profonds (de 1 à plusieurs mètres) creusés grossièrement dans la terre et délimités par un pneu de camion ou être renforcés intérieurement à l'aide de pierres empilées comme on les connaît (ou plutôt connaissait) chez nous.Le niveau des nappes phréatiques dans les alentours de Léogâne étant très bas en raison de la proximité de la mer, il n'est pas nécessaire de creuser profondément pour les atteindre. Un grand avantage me direz-vous ! Oui, mais cela peut aussi avoir des inconvénients que je mentionnerai après.
 
Finalement, le dernier type de puits est réalisé en ciment, est doté d'une pompe mécanique et permet d'aller chercher l'eau à des profondeurs bien supérieures dans des régions plus sèches ou exempt de cours d'eau. Ces puits sobres mais diablement efficaces proviennent d'organisations étrangères qui les ont construits, avant et après le tremblement de terre, afin que les populations aient un accès assuré et suffisant en eau. On a vu les machines à l’œuvre, cela fonctionne extrêmement bien et toute la communauté peut venir y puiser de l'eau durant la journée.
Vous l'aurez compris, l'approvisionnement n'est pas automatisé et il n'y a donc logiquement pas non plus de système de traitement des eaux. Dès lors, les haïtiens vont au puits plusieurs fois par jour avec un seau pour se ravitailler. Même si la vision du puits avec la corde trempée et le seau en lamelles de bois accolées semble archaïque, il faut rappeler que cette manière de faire était celle de nos arrière-grands-parents ou de leur parent à leur époque. De notre côté, nous sommes privilégiés car nous utilisons une petite pompe électrique qui remonte le précieux liquide sur le toit de la maison, grâce à un tuyau descendant directement dans le puits, où elle est stockée dans un château d'eau. De cette manière, lorsqu'il y a l'électricité, on peut enclencher la pompe et ainsi s'éviter de fastidieux aller-retours. L'ajout d'un robinet au rez-de-chaussé permet grâce à la simple gravité d'avoir de l'eau pour se laver.
Le problème majeur provient du fait que l'eau est polluée, ou plutôt souillée, et qu'en boire telle quelle ou se laver avec vous exposent à un grand risque d'attraper le choléra, la typhoïde ou la diarrhée pour ne citer que les plus sympathiques. C'est là que notre ami dénommé Chlorox intervient. En effet, pour traiter l'eau du puits et tuer tous les germes et autres bactéries qu'elle peut contenir, du chlore (ou eau de javel) est ajouté pour l'en débarrasser en 30 minutes approximativement. En pratique, on remplit un seau d'eau le matin (ou le soir) grâce à notre fameux château sur le toit, puis on y ajoute un bouchon de chlore pour que 30 minutes plus tard elle soit utilisable pour se doucher, se laver les mains ou faire la vaisselle et ce pour un laps de temps d'environ 24 heures après quoi il faut rajouter à nouveau du chlore.

Au début, c'était plutôt compliqué ne sachant jamais si j'avais les mains propres ou pas et si je pouvais dès lors toucher tel ou tel objet sans le souiller à son tour. Un peu comme en salle blanche (pour ceux qui connaissent), ou j'imagine à l’hôpital, où certaines zones requiert l'utilisation de sur-gants pour ne pas contaminer les gants de base avec un produit chimique quelconque et par la suite ses propres échantillons ou ceux de ses collègues. Ces questions récurrentes vous font devenir un peu hypocondriaque sur les bords et vous vous demandez sans cesse comment vous vous sentez, si cette petit lourdeur à l'estomac est annonciatrice d'une future diarrhée ou si cette transpiration inopinée veut dire que vous attrapez la fièvre. Mais une à deux semaines plus tard, on s'est habitué, on ne fait plus attention à ces pseudos symptômes et la douche redevient un bonheur sans tracas :-D.


 
Mais revenons à notre ennemi choléra qui est en fait la cause d'un problème d'hygiène je dirais récurrent : les défécations à l'air libre. Les familles ayant une maison en briques n'ont généralement pas de toilettes conventionnelles mais plutôt une latrine, simple cabinet avec un trou dans le sol afin d'y faire ses besoins. Des caissons en bétons peuvent également être construits en dessous afin de servir de container de stockage qui se doit d'isoler les défécations de l'extérieur (terre et eau du sous-sol). Lorsque ceux-ci sont remplis, ils peuvent être soit vidangés, soit scellés afin que le processus de compostage fasse son effet.
 
Les ménages plus pauvres utilisent également des latrines mais plus rudimentaires ou vont faire leurs besoins à l'extérieur, dans les champs de banane, de canne à sucre ou dans la rivière. Les pluies s'en suivant drainent ceux-ci dans le sol, la boue et finalement les cours d'eau propageant le risque de contamination. En effet, le choléra est transmis à une tierce personne de manière orale et la contamination est d'origine fécale. Donc vulgairement parlé, si vous buvez ou manger quelque chose contaminé par la merde de votre voisin malade, vous le serez également. Et sachant que les défécations à l'air libre sont très répandues dans les campagnes, le fait que des gens et le plus souvent des enfants boivent l'eau des puits est très problématique.

D'ailleurs, nous rencontrons souvent des haïtiens qui nous disent qu'ils sont malades, avec de la fièvre ou des maux de ventre. Outre le fait que beaucoup d'entre eux se baladent nus pieds autour de chez eux augmentant le risque d'attraper des vers ou une infection, plusieurs se lavent dans le ruisseau ou avec l'eau du puits mais sans la traiter. Dès lors, les causes de ces maux peuvent être multiples. Néanmoins, une grande campagne d'information a été réalisée auprès de la population pour l'inciter à se laver les mains le plus possible afin de diminuer le risque de transmission de bactéries dont celle du choléra.

Un groupement de la communauté qui essaie de réaliser des petits projets pour aider celle-ci est venu nous rendre visite afin de demander conseil sur des actions possibles et David leur a proposé de commencer un programme de latrinisation de la communauté sur le même modèle que celui développé avec succès dans d'autres régions pauvres par le CLTS (Community-led Total Sanitation) (http://www.communityledtotalsanitation.org/). Le principe est d’interpeller les gens d'une communauté sur le fait qu'en déféquant dehors et en buvant l'eau du puits, ils mangent la merde de leur voisin. Grâce à ce choc délibérément voulu, les gens sont dégoûtés et veulent dès lors entreprendre une action collective afin de creuser ou ériger des latrines pour mettre fin à 100% à ces défécations à l'air libre. Une cartographie des habitations avec et sans latrines ainsi que des zones souillées sera ensuite établi par les gens locaux pour définir un plan d'action efficace. Pour plus de détails quant à la procédure, vous pouvez vous référer au lien ci-dessus.
C'est donc ce projet qui a été lancé le dimanche 11 novembre dernier par ce groupement. A voir si cela va fonctionner ou non mais le fait que la zone de Léogâne soit proche des côtes est problématique car le niveau des nappes phréatiques est très haut (moins de deux mètres sous le sol) et donc interdit la construction de latrines simples, sans coffrage en béton, qui pourraient les polluer et empirer la situation. A voir donc...

Et pourquoi ne pas utiliser ces toilettes sèches développées dernièrement et que ces ONGs pourraient offrir à ces communautés ? Pour plusieurs raisons. Premièrement, le fait d'offrir des toilettes à 1000 personnes alors qu'elles sont 1 million à en avoir besoin est inutile surtout qu'une personne malade peut en infecter plusieurs autres. Dès lors, le but est d'atteindre une latrinisation de 100% de la population pour espérer éradiquer la bactérie.

Ensuite, les gens ont en général de plus grandes priorités que d'avoir une belle toilette pour faire leur besoins et il y a donc de fortes chances qu'ils démontent celle-ci afin de récupérer les montants en bois et planches en aluminium afin de consolider leur maison ou de renforcer leur étal pour le marché par exemple. Il faut toujours avoir à l'esprit que ce n'est pas parce qu'une bonne solution est proposée, qu'elle va être acceptée. Le plus important étant avant toute chose de convaincre les gens surplace. Et en agissant d'eux-mêmes, la rapidité d'action, les coûts et les effets peuvent être bien meilleurs que n'importe quelle solution externe aussi bonne et ingénieuse soit-elle.

Voilà quelques informations supplémentaires sur la vie par ici :-D.

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