mardi 18 décembre 2012

Haïti : La nature

Parce que la nature parle pour elle-même, cet article sera épuré. Pour faire court, la nature en Haïti est superbe, luxuriante avec des palmiers, cocotiers, cours d'eau, champs de canne à perte de vue, montagnes errodées mais caractéristiques et autres belles plages de sable...


























mercredi 12 décembre 2012

Haïti : l'école

Ah ben c'est le moment ! Oui je sais, désolé pour l'attente :-D
Voilà donc un sujet bien plus léger et sympathique que ceux traités jusqu'à maintenant. Alors, quant est-il de l'éducation des jeunes pousses haïtiennes de nos jours.

En Haïti, le cursus scolaire se compose tout d'abord de 3 années de Kindergarten (c'est le nom officiel, promis :-D), suivi de 6 ans de fondamentale appelés classiquement 1e, 2e, 3e, 4e, 5e et 6e, puis 3 ans de secondaire (7e, 8e et 9e) et finalement 4 années de lycée (3e, 2nde, Réto et Philo) avant que les plus courageux (enfin surtout ceux qui peuvent se le permettre) n'atteignent les bancs de l'université. Donc le cursus scolaire est comparable au nôtre à une année près. Les élèves vont à l'école soit le matin de 8h à 14h ou l'après-midi (je connais pas les heures :-S).
Les établissements scolaires arborent en général une très belle fresque à leur entrée qui comprend le nom de l’école ainsi que des niveaux qui y sont enseignés.


Selon le manuel “Mon livre de géographie 2” des élèves de 5e et 6e année, 65% de la population était analphabète en l'an 2000. Mais ce nombre élevé est dû aux personnes actives n'ayant pas bénéficié de l'offre de scolarisation actuelle. En effet, selon cette fois l'institut haïtien de statistique et d'informatique dans son document de juillet 2010 (donc récent !) sur “l'enquête sur l'emploi et l'économie informelle (EEEI)”, près de 77% de la population scolarisable (6-24 ans) fréquentait l'école au moment de l'enquête pour l'année académique 2007-2008. Ce taux se monte même à 85% pour les 6-9 ans et 90.5% pour les 10-14 ans avec un écart important entre le milieu rural et urbain. Mais au niveau proportion filles-garçons c'est 50-50 :-D. Les tableaux et graphes qui suivent sont tirés de ce document que j'ai trouvé fort intéressant et instructif (pour y accéder : http://www.ihsi.ht/pdf/eeei.pdf)


Le niveau d’étude des élèves dans la tranche d'age 6-24 ans est lui représenté dans le graphe suivant.


Les écoles sont très majoritairement privées et donc peu d'entre elles sont publiques et gratuites. Environ 70% et 30% selon ce même document alors que les gens me disent plutôt 90% et 10% (certainement d'anciennes valeurs plus d'actualité).

D'ailleurs, le président en place depuis bientôt 2 ans, Monsieur Michel Martelly, avait placé l'éducation gratuite au niveau fondamental comme objectif principal de son programme électoral  Ce projet serait toujours en cours à l'en croire même s'il avance à petits pas. En effet, le gouvernement subventionne un nombre croissant d'écoles privées pour que certaines classes d'enfants soient gratuites.

Il y a 3 standings d'école privée selon les moyens de la famille. Entre 2500 $H (dollars haïtiens  diviser par 8 pour avoir en CHF ou USD) et 2000 $H par enfant par année scolaire pour le haut, 700-500 $H pour le moyen et je n'ai pas les chiffres pour les moins chères. Sachant que le revenu moyen mensuel en Haiti est de 800 $H et le revenu médian 500 $H, cela devient compliqué de scolariser 5 enfants.

D'un autre côté, après le tremblement de terre de janvier 2010, Haiti a vu une grande quantité d'organisation se présenter pour aider à reconstruire des écoles, qu'elles soient faites de briques ou contenues dans des "containers" géants offerts spécifiquement. D'ailleurs dans la région de Léogane, plusieurs établissements sont sponsorisés par la fondation Digicel (un des deux opérateurs téléphoniques du pays et qui est... irlandais) qui a offert ces fameux containers que vous pourrez voir dans les photos qui suivent. Super idée? A mon avis non, pas du tout même et ce pour plusieurs raisons. Etant donné l'ensoleillement d'Haiti et la structure métallique de ces boites, la chaleur à l'intérieur est élevée, trop selon les enseignants. De plus, elles ont un caractère provisoire (qui risque néanmoins de durer très longtemps), coûtent excessivement chères (même si elles sont offertes) et sont importées depuis les Etats-Unis. Dès lors, pourquoi ne pas utiliser cet argent pour construire des écoles permanentes, en briques et en plus grand nombre? De cette manière cet argent permettrait d'engager des ouvriers haïtiens  d'acheter du matériel chez les vendeurs locaux et d'ainsi favoriser l'économie du pays qui a un réel besoin d'argent externe. Au lieu de cela, les containers sont achetés aux USA (donc zéro argent pour Haiti), importés par des bateaux certainement américains (engendrant une pollution additionnelle) et de plus ne sont pas adaptés pour l'enseignement.
Si on essayait d'utiliser l'argent de donateurs ou de l'Etat pour booster sa propre économie en le camouflant sous des prétextes d'aide aux pays en voie de développement, on agirait pas autrement... … (et encore trois points de suspension pour la forme ^^)
J'en ai fini pour les chiffres, passons à la pratique. Lors de l'interview des leaders, il s'est avéré que plusieurs d'entre eux étaient enseignants. Quelle aubaine ! Cela m'offrait ainsi une parfaite occasion de demander à l'un d'eux si je pouvais venir visiter son école et participer à une de ses leçons. J'étais donc tout content de pouvoir entrer un mercredi matin à 9h00 dans la cour de recréation de l'école Précision. Les enfants étaient sagement en classe pour les leçons quand mon ami me reçu. 
Il me fit visiter les lieux en compagnie du directeur de l'école. Cette école avait été complètement détruite après le tremblement de terre et deux bâtiments ont été reconstruits grâce à Save The Children alors que les autres sont les fameux containers susmentionnés.


Puis ce fut l'heure de la recréation.
Dès mon arrivée en Haiti, j'ai directement reconnu les petits écoliers car ceux-ci portent un uniforme dont la couleur dépend de l'établissement dans lequel ils sont. Certains ont de beaux pantalons verts avec chemises vertes à carreaux alors que d'autres sont en pantalons oranges et chemises blanches unies ou encore, comme à Précision, des pantalons gris avec des chemises bleues à carreaux. Ils portent aussi des shorts (comme sur la photo) mais je ne sais pas en quelles occasions l'un est préféré à l'autre.


Les filles ont encore des rubans de couleur dans les cheveux (bien sur, ils sont blancs sur la photo, merci Murphy ^^) et arborent de longues chaussettes ou des frous-frous par dessus leurs chaussures.
Ce qui est sûr c'est qu'ils sont vraiment magnifiques, au propre et au figuré, quand on les voit s'en-aller à l'école le matin ou revenir dans l'après-midi.

Les uniformes ont pourtant été décriés car induisant un cout supplémentaire à celui des études (pour un enfant ça peut aller mais comme la moyenne est de 4.5 enfants par famille...) mais leurs défendeurs ont surtout voulu souligner l'aspect psychologique positif qu'il induisait sur les enfants et sur la perception de l'enseignement. Personnellement, je pense aussi que c'est une bonne idée car c'est une petite fierté d'avoir son uniforme, cela met une distinction entre le moment où on est à la maison et celui où on est à l'école et finalement financièrement, si les enfants ne portaient pas cet uniforme, ils devraient utiliser d'autres habits qu'ils doivent aussi acheter et qu'ils useraient certainement plus.

Après avoir un peu jouer et chercher quelque chose à boire ou à grignoter  c'était le moment de rentrer en classe. Et pour moi aussi :-).

Les classes ne sont pas trop remplies avec entre 15 et 20 élèves. Étonnamment (je ne sais pas si c'est voulu) les garçons se sont assis à droite de l'allée centrale et les filles à gauche. Puis chaque cours commence avec 5 minutes de mise en train avec soit une chanson, une histoire drôle  un petit jeu ou la répétition d'une précédente leçon. Petit moment de détente avant de commencer le travail. J'ai suivi le cours de sciences expérimentales et celui de math (eheh). Les règles sont dites à haute voix par le professeur et reprises en choeur par les élèves. On a fait un peu de théorie, des explications au tableau, quelques exercices de périmètres, surfaces et de coûts de clôture en bois et le cours était déjà fini. Et l'heure pour moi de rentrer dîner.

Mais avant de vous laisser je voulais encore parler des manuels scolaires car David en a achetés quelque-uns et je me suis amusé à parcourir ceux de géographie, d'histoire, de lecture et d'éducation civique. Je les ai trouvés (attention, je crois que c'est la première fois que j'utilise cet adjectif) excellents. Tellement bon pour le dernier que j'ai décidé d'en acheter un pour moi. Ceux-ci me donnent en tous cas l'impression d'être aboutis, à la fois sur le fond et sur la forme, et d'être objectifs quant à la situation d'Haiti (pour les deux premiers nommés). Pédagogiquement parlant, je les trouve aussi bons même si je n'ai pas l'expérience de ces matières.

Enfin, tout ça pour dire que les petits haïtiens semblent être finalement en bonne route sur le sentier de la scolarisation et de l'éducation malgré quelques disparités bien présentes et même si, bien entendu, il reste encore du chemin à faire.

lundi 10 décembre 2012

La fameuse goutte...

Elle est toute symbolique cette goutte d'eau, car identique à toutes les autres dans sa petitesse et son insignifience, elle n'est défini comme telle qu'après coup, lorsqu'on s'est rendu compte que c'est elle qui a fait basculer les choses. Je parle bien entendu de la goutte d'eau qui fait déborder le vase. D'ailleurs, lui non plus on ne connait pas sa capacité. On évalue approximativement la quantité de liquide qu'il peut contenir mais sans en avoir une valeur exacte. En effet, lorsqu'on croit qu'il est plein, à ras bord même, il peut en fait être rempli plus haut que cela en raison de la tension superficielle de l'eau. Pour revenir à cette fameuse goutte, celle-ci n'est en fin de compte pas si spéciale car elle ne doit son statut qu'à l'accumulation d'autres gouttes pareilles à elle-même. Elle n'a donc comme seule particularité que celle d'avoir été la dernière.

Cette goutte je l'ai atteinte. Ce n'est donc pas un événement particulier mais l'accumulation permanente et continue d'une enième petite remarque, méchanceté, parole ou acte qui font que j'ai décidé de mettre un terme à l'aventure en Haiti et de revenir passer les fêtes de Noël en famille auprès des gens que j'aime.

Je veux citer quelques exemples, pas seulement pour me justifier, mais car ce sont également des situations représentatives de ce qu'est Haiti et qui rentrent donc dans le cadre de mes articles.

Etant le seul blanc (avec David) dans une communauté essentiellement noire et à des kilomètres à la ronde, il était courru d'avance que je ne passe pas inapercu. Je ne prend pas en compte les gens des ONGs et de l'ONU car je n'en ai jamais vu sur le terrain mais uniquement derrière les vitres de leurs 4x4 blancs. Dès lors, quand on se promène en bord de route ou en ville, on sent constamment les regards peser sur nous, regards plutôt méfiants, fermés. Dans le carrefour où se trouve la maison, il m'a fallu un long moment et de nombreux "Bonjour !" et "Bonsoir !" accompagnés d'un large sourire pour finalement obtenir le même sourire en rétour. Partout en dehors de cette communauté, les haitiens t'interpellent plutôt en lançant un sonnant "Hey you !" ou le fameux "Hey blanc !". Jamais dans le but de discuter avec toi ou pour te faire signe en souriant (à part les enfants), mais pour te demander de l'argent ou à manger. Et ce ne sont pas des mendiants mais des personnes bien portantes comme vous et moi, en général plutôt jeunes car n'ayant pas peur de demander cela. Le problème est que les enfants imitent ce comportement par jeu (et aussi par intérêt car ça doit fonctionner je pense) sans que personne ne perçoive à la fois les déductions bancales que cela va créer dans leur esprit et les conséquences néfastes engendrées sur l'image du pays aux yeux des touristes. Ceci peut également être un des effets pervers induits par les ONGs qui à force de donner des biens à la population (dont pour la plupart elle n'a pas besoin) l'ont ainsi rendu passive et attentiste.

Dès lors, il est difficile d'établir un réel dialogue ou contact avec les locaux car au bout du compte ils attendent quelque chose de votre part, que vous leur donniez quelque chose. Pourquoi vous seriez là sinon ?
Ainsi, on a vu un homme au ventre proéminent de presque deux fois mon poids demandé qu'on lui offre à diner. Pendant la formation des leaders, une des candidates m'a dit de lui donner ma montre (que l'on s'entende, pas demander, elle a dit "donne-moi ta montre"). En visitant des gens dans la communauté, une femme m'a demandé si j'avais de la crème solaire pour que je la lui donne car les haitiennes n'aiment pas avoir la peau noire foncée. En sortant faire des photos de nuit au bord de la route durant 15 minutes, trois enfants différents m'ont demandé de leur donner de l'argent. Bref, des exemples comme ça, j'en ai pleins. Et si vous refusez, vous avez droit à un regard dédaigneux ou êtes traités de radin.

Mais si ce n'était que ça, j'aurais fait l'impasse car ces situations restent plutot faible en pourcentage. Ce qui me dérange le plus c'est la violence qui se dégage des contacts entre les personnes, de leur dialogue, de la manière de régler leurs querelles. La façon de parler est brutale, le ton sec et la voix toujours élevée donnant souvent l'impression que les gens s'engueulent alors que ce n'est pas le cas. Une fois, David a eu un problème avec un chauffeur de moto-taxi et en en parlant avec nos voisins j'ai cru que ceux-ci étaient très furieux contre David alors qu'en fait ils étaient de son côté.
Sinon, ici, la manière usuelle de régler une dispute est de prendre une pierre en main pour intimider son opposant et très souvent de la lui lancer. C'est comme ça.
Ainsi, lorsque un jour David a voulu s'interposer pour éviter qu'une femme et sa nièce ne battent la petite soeur de cette dernière, la nièce lui a lancé une grosse pierre l'atteignant à la cheville et lui faisant une blessure profonde. Pourtant ces gens sont ses amis depuis plus de 2 ans ! Et de surcroit, ils n'ont jamais voulu s'excuser. Pour leur signifier que j'étais outré de ce comportement, j'ai donc décidé de ne plus adresser la parole à ces personnes (excepté la politesse de salutation minimum). Les autres enfants n'ont pas du tout compris mon action car pour eux la réaction de cette fille jettant cette pierre était "normale". Je dirais même qu'ils trouvaient cela rigolo puisqu'ils venaient à la maison se moquer de David qui, pour eux, s'était fait "battre" (c'est le terme général utilisé) par une fille.
Mais cela est moins étonnant quand on sait que ces enfants sont également battus par leur mère quand ils font des bêtises ou ramènent de mauvaises notes de l'école. J'ai d'ailleurs eu droit à une présentation des divers cicatrices de chacun après l'une ou l'autre des querelles les ayant opposés (avec leur maman ou entre frères et soeurs). Une cicatrice à la jambe due à un coup de baton pour l'un, une même laissée par un jet de pierre mais à la tete pour un autre, une encore mais au bras lorsque sa soeur l'a mordu jusqu'au sang...
C'est ce genre d'actes commis ou acquiescés par les adultes sur les enfants qui inculquent à ceux-ci de telles valeurs et banalisent la violence à leurs yeux. Fondamentalement, les enfants n'y peuvent rien, ce n'est pas leur faute. L'esprit d'un enfant est comme une feuille blanche. On y peint à l'indélébile ce que l'on veut, du bon ou du mauvais. Ils reproduisent ce qu'ils voient et ce qu'on leur fait. Mais ça les marque. Et quand ils viennent vous serrer dans leurs bras lorsque vous leur rendez visite, vous comprenez qu'il y a un soucis. Heureusement, les manuels scolaires d'éducation civique actuels expliquent des manières respectueuses d'être et agir dans différentes situations.

Tout ça pour dire que j'ai donc été particulièrement attentif dans ma manière d'être avec eux pour essayer de paraitre gentil et cohérent dans mes actes. Mais lorsque vous jouez joyeusement une après-midi avec ou que vous leur soignez une blessure due à une nouvelle altercation et que le lendemain et les jours qui suivent ils vous affublent sans raisons de noms d'oiseaux et d'autres petites remarques méchantes (même si la plupart sont sur le ton de la rigolade), cela vous fait clairement déchanter.

Ainsi, à force d'accumuler les déceptions, les remarques, les regards, les demandes incessantes, les paroles et les gestes violents, un jour le vase est plein et on sature. Je suis en effet venu en Haiti pour voir la réalité du terrain par rapport à l'image renvoyée par les médias, apprendre, découvrir, aider si je le pouvais. J'ai vu, j'ai appris, mais je n'ai aucune mission, rien qui ne me retienne ici, surtout pas pendant les fêtes de Noel alors que je pourrais être en famille et avec mes amis plutot qu'avec cette famille qui acquiesce de la violence pour "éduquer" les enfants comme initialement prévu.
Et comme j'ai la grande chance d'avoir le choix, je plie bagage et rentre. Bien entendu le tour du monde continuera comme planifié à partir du 10 janvier.

Finalement, je ne veux en aucun cas généraliser à tous les haitiens les comportements que je décris parce que j'ai rencontré de nombreuses personnes attachantes et gentilles et que, comme à l'accoutumée c'est toujours les dérapages d'une minorité qui font du tort à la majorité. Mais cela me laisse quand même un vieux gout amer sur lequel je reviendrai.
Pour conclure, je suis et reste sincérement triste pour ces enfants que je connais et qui, ayant déjà une situation si précaire, se voient encore inculqués à leur insu de telles valeurs pour guider leurs pas. Cette violence qui ne les quittera certainement jamais et qu'ils propageront plus loin malgré eux.

Enfin voilà. Sur ce, je me réjouis de vous revoir d'ici quelques jours en terres helvétiques.

samedi 8 décembre 2012

Le Projet : Mise en place du centre

Attention : post beaucoup plus positif que le précédent ^^

C'est l'heure d'en savoir un peu plus sur l'établissement de ce nouveau centre ! Et l'on va commencer avec la maison car pour ouvrir un centre, il faut avoir une maison à disposition ou en tous cas deux grandes pièces assez grandes pour entreposer deux tables capables d'accueillir 6 personnes chacune. Mais d'où vient-elle donc alors ?! Toujours dans la philosophie de ne pas attirer les convoitises à cause de l'argent et pour motiver la communauté à s'entre-aider, un centre ne peut s'établir que dans un endroit prêté par une personne de la communauté. En effet, en acceptant uniquement des lieux gracieusement mis à disposition gratuitement cela permet de n'être approché que par des personnes avec de bonnes intentions (ou en tous cas sans intérêt pécuniaire). Dans le cas du centre de Chavannes, la maison en question a été construite pour un haïtien travaillant aux Etats-Unis qui doit revenir au pays dans plus d'une année. Entre temps, cette maison est gardée par un membre de sa famille qui y occupe une chambre et nous laisse ainsi à disposition deux autres pour y installer le centre et ce pour une durée d'une année exactement.


C'est donc avec une belle maison mais complètement brute que nous commençons la mise en place. Au planning : nettoyage des lieux après la fin des travaux, pose de panneaux en bois pour séparer le centre du reste de la maison, raccordement au réseau électrique, installation du système électrique comprenant transformateur, batteries, génératrice et câblages et finalement déménagement des tables, chaises, laptops et de la cage pour le stockage du matériel le soir.
Nous avons donc commencé par prendre les mesures des lieux afin d'acheter le bois nécessaire pour faire cette séparation physique entre maison et centre. D'ailleurs, le voyage en tap-tap depuis l'entreprise de matériaux avec tout le matos valait à lui seul le détour. Puis il a fallu enlever à la pelle le reste de gravier et sable laissés à l'intérieur avant de couper planches et poutres pour fixer les panneaux. Le sol n'étant pas ciré (ciment lissé), un grand coup de balai restait néanmoins nécessaire pour pouvoir accueillir le reste des fournitures.

Avant cela, il restait encore le problème de la génératrice qu'il faut en effet sortir du centre pour la faire fonctionner puisque celle-ci dégage du gaz carbonique à profusion. La maison étant légèrement surélevée, une rampe était dès lors nécessaire pour sortir l'engin. Nous fimes appel aux connaissances d'un ouvrier du coin pour réaliser ce travail. C'était une bonne occasion de regarder attentivement le savoir faire du Monsieur ainsi que ses méthodes. Après avoir consciencieusement mélangé le sable avec le ciment et l'eau et délimiter les bords de la rampe à l'aide de briques et d'un fil, il se mit à remplir le trou avec des cailloux et la mixture obtenue. Ceci fait, il continua avec une petite allée transversale qu'il délimita par un fil en s'assurant qu'elle soit bien à niveau. Finalement, après environ trois heures de travail, trois sacs de ciments et de nombreux seaux d'eau, le tout était proprement bouclé comme l'illustre bien la photo. 


Le jour suivant, nous fimes une virée à Port-au-Prince pour se pourvoir en matériel électrique dans la plus grande entreprise d'appareils éléctriques de la capitale : 40m de cable pour tirer la ligne entre le réseau et le centre, 30m de cable plus fin pour les connections électriques des lampes et multi-prises à l'intérieur, un interrupteur général pour mettre sous tension le centre, des fusibles 15A, 20A et 60A, des interrupteurs mécaniques pour choisir entre l'alimentation du réseau ou de la génératrice et des lampes avec leur socle de fixation. Avec notre liste, nous passames donc à l'arrière afin de prendre possession de nos nouveaux et nombreux jouets. Dans un grand entrepot rempli de cables de toutes les couleurs et de toutes les tailles, un employé visiblement fort lassé par son travail se mit donc lentement en mouvement afin d'aller chercher cela. Il passa dehors avec une lourde bobine de cable afin d'en mesurer 40 mètres à l'aide d'une structure en fer dotée d'une manivelle. Il avait quelques difficultés à réaliser la tâche tout seul mais les 5 autres employés autour de lui ne semblait pas s'en accomoder. Et c'est donc David qui lui a donné un coup de main sans que cela ne fasse sourciller les 5 compères qui les regardaient travailler alors que c'est le job pour lequel ils sont normalement rémunérés. C'est d'ailleurs une institution en Haiti que voir des personnes assises en train d'en regarder d'autres travailler. Les enfants font cela car ils sont intéressés, les adultes pour une obscure autre raison.

Il n'empêche que ces voyages à Port-au-Prince me permettent à chaque fois de voir la lente métamorphose du paysage et des villages en passant de la beauté épurée de la campagne à l'allure crasse et surpeuplée de la ville. Une sorte de film sur la lente dégradation engendrée par l'urbanisation et le progrès. Quel paradoxe quand même !

Enfin bref, revenons à notre centre qui a ensuite vu l'arrivée de tout le matériel susmentionné ainsi que des chaises, tables, cage avec son armoir et génératrice. Deux voyages de tap-tap furent nécessaires pour les transbahuter. Nous déchargeames donc le contenu sous le regard attentif des habitués du coin, toujours assis sur leurs bancs, tranquillement là à ne rien faire et à nous regarder travailler.

Il est d'ailleurs temps d'ouvrir une parenthèse. 20 chaises, 2 tables, une armoire, une cage en fer, une génératrice et vous croyez qu'un seul de ces 4 ou 5 fiers gayards auraient bouger leurs fesses pour nous proposer de l'aide ?! Mais vous rêvez ! Pourquoi feraient-ils cela puisqu'ils ne sont pas payés pour. Je ne suis pas méchant en disant cela, simplement perspicace. Je n'ai pas encore eu l'occasion de voir un haitien en aidé un autre lorsque ce dernier semblait en difficulté ou que la tâche paraissait pénible. Lorsque je déblayais le centre, j'ai remarqué une vieille dame de 70 ans passés qui faisait des aller-retours devant la maison avec des seaux d'eau pleins et qui me jettait des coups d'oeil de temps à autre alors que j'étais à la tâche depuis plusieurs heures. Elle marchait avec peine dû au poids de son chargement toujours sous les yeux de nos fameux habitués. Mais jamais, je n'en ai vu un seul pour lui offrir de l'aide. D'autant plus que cette dame doit certainement faire parti de la famille de l'un d'eux. Mais non, jamais. Détail amusant, quand je lui disais bonjour, elle me retournait un large sourire comme pour me dire qu'elle avait vu que je travaillais dur afin de mettre en ordre cette maison. Et j'ai observé que les haitiens qui travaillent (au sens propre du terme), je parle donc de ceux qui mettent de leur personne dans la réalisation de leur tâche quotidienne, sont de caractère sympathique, poli et souriant. Ces caractéristiques sont à mon sens totalement représentatives des vertues du travail. En effet, celui-ci offre à l'esprit la gratification de l'effort accompli et de la récompense justement obtenue. Les moments de repos sont alors appréciés à leur juste valeur tout comme l'est une proposition d'aide offerte par une autre personne. Ce sont des valeurs fondamentales...mais qui ne sont pas (encore) ancrées dans la culture haitienne.
Je referme la parenthèse sur ce point essentiel que je me devais de mentionner.

Donc, nous avons installé ce mobilier, refait appel aux services de notre ouvrier pour fixer la cage métallique au mur et l'éléctricien est venu cabler ce qui devait l'être.
Finalement, nous avons transporté les laptops le jour suivant (jeudi) afin de les paramétrer intégralement et d’installer la connexion internet pour le début de la formation informatique lundi 10 décembre.




Pour celle-ci, nous avons préparé 35 dossiers de 30 pages, un pour chaque leader, qui serviront de marche à suivre leur permettant ainsi d'apprendre les bases de la navigation dans Windows, ouvrir un compte e-mail ou encore créer un compte Facebook. Les ordinateurs sont munis de logiciels de dactylographie et de dessin (Paint.NET), de Open Office ainsi que dès maintenant Microsoft Office, ainsi que de clips vidéo et de musiques afin d'éviter de saturer la bande passante en les regardant sous Youtube.

Après ces transformations, le centre prêt à accueillir les participants ressemble maintenant à ça : 

La première pièce :
La deuxième pièce :








Vue globale des deux pièces :



C'est donc avec plaisir que le centre a pu être découvert par les nouveaux leaders lors du meeting hebdomadaire du vendredi soir... en attendant qu'ils investissent les lieux dès lundi.

vendredi 7 décembre 2012

Haïti : Les déchets

Attention : post pas très rigolo ^^

Dans mes premières impressions sur Haïti lors de mon arrivée, outre la boue et le petit air de chaos qui régnait dans l'air, c'est surtout l’amoncellement de déchets ici et là qui m'avait frappé. Que ce soit au bord des routes, dans les cours intérieures, autour des maisons et même dans la nature entre les arbres et dans les cours d'eau, ces déchets sont omniprésents, disséminés, éparpillés. D'où la question habituelle : pourquoi ? Est-ce une habitude de ne pas regrouper et traiter ces déchets? Une volonté ? Pas d'autre manière de faire ?

Comme bien des sujets, la réponse n'est jamais unique, sans équivoque. Néanmoins, à Carrefour Vert, il n'y a pas de collecte des déchets... ce qui rend les choses difficiles! Dès lors, les détritus, constitués majoritairement par les sachets plastiques pour l'eau et emballages de nourriture, sont jetés en bordure de route ou dans la nature et les cours d'eau pour les moins scrupuleux. D'autres, bien plus encombrants, comme des carcasses de camions, des pelle-mécaniques ou encore des bus gisent par endroits comme des navires échoués, certainement car leurs propriétaires n'ont pas les moyens financiers pour les déplacer. Ou alors c'est qu'ils permettent de s'approvisionner en pièces détachés et constituent une sorte de magasin à ciel ouvert.

Qu'en est-il à Port-au-Prince, la capitale? Pas franchement mieux de prime abord. Un immense champ de déchets trône d'ailleurs à l'entrée de la ville et pourrait laisser à croire que les déchets sont rassemblés là à ciel ouvert.

Néanmoins, il semblerait quand même que dans cette ville ceux-ci soient réellement collectés. A savoir de quelle manière, où et à quelles fins? Aucune idée :-). Néanmoins, quand je vois les “cours d'eau” de la ville transformés en dépotoirs géants où s'amoncellent tous ces cadavres de plastique jetés à terre et drainés par les dernières pluies, ça me fait mal au ventre. D'une part car ceux-ci représentent une pollution visuelle mais qu'ils affectent l'eau et les nappes phréatiques dans lesquelles les haïtiens viennent ensuite puiser l'eau pour se nettoyer ou cuisiner.
Il est néanmoins à noter que les haïtiens produisent très peu de déchets en regard de leur nombre (10 mio d'habitants). Certes, c'est également parce qu'initialement ils possèdent moins, mais aussi parce que le recyclage actif des objets pour d'autres usages est fréquent. La tôle de la boite de conserve qui sert de râpe en est un bon exemple, tout comme j'ai pu découvrir des gentes de voiture transformées en pied de parasol ou de tente grâce à quelques soudures habiles. Par personne, les occidentaux doivent en produire une quantité autrement plus grande dû à nos industries mais surtout à notre rythme et style de consommation qui se désintéressent totalement du volume de déchets engendrés au profit du rendement financier maximum. 


Pour en revenir à Monsieur, Madame tout le monde, il semble que dans leur majorité, ceux-ci rassemblent les déchets en un endroit et finissent par les brûler périodiquement pour s'en débarrasser. Eh oui, c'est la seule manière d'éliminer des restes de carton ou d'emballages plastiques puisque personne ne les récupère. D'ailleurs, chez nous aussi les déchets sont brûlés si l'on y pense. A l'exception près qu'ici les fumées dégagées ne sont pas filtrées, même si ce n'est pas leur priorité.

Cette pratique de regrouper systématiquement ses détritus et les brûler évite leur dispersion dans la nature et ainsi une pollution supplémentaire (on connait les dégâts considérables des sacs plastiques sur la faune aquatique dans de multiples zones) tout en évitant de vivre au milieu de ceux-ci.

Malheureusement, cet état d'esprit n'est pas général et une situation particulière que j'ai pu voir en direct m'a particulièrement interloquée. Lors de la préparation d'un repas de midi, les femmes avaient ouvert des boites de conserve et vidé le contenu dans leur marmite. Les enfants, jouant par là, vinrent les prendre et après un moment les jetèrent un peu plus loin, dans les herbes à gauche ou la forêt de bananier à droite. Tout cela sous le regard de leur maman sans que cela ne les fassent sourciller. Des boites en aluminium éventrées qui allaient rouiller et se détériorer là, en plein où les gens passaient et les enfants jouaient, représentant un risque constant de blessures couplée avec une méchante infection alors qu'ils ne sont déjà pas les mieux équipés pour les soigner. Et ces boîtes sont encore là, un mois plus tard suivant leur lente dégradation ocre. Ce comportement est donc à la fois peu protecteur envers sa progéniture mais également irrespectueux envers une nature qui les nourrit abondamment, les protège et leur offre un cadre de vie exceptionnel. Alors certes l'Etat ne prévoit pas de ramassage ce qui n'incite pas les gens à le faire non plus mais sur le principe le fait de voir des déchets dans la nature devrait au moins interloquer n'importe qui.

Mais comme je l'ai dit, le rassemblement des détritus semblent néanmoins être l'action de la majorité (en tous cas à la campagne) et cette action est décrite et encouragée dans les manuels scolaires des écoliers haitiens. Une habitude répandue est d'ailleurs de balayer fréquemment son terrain et son tour de maison pour le rendre propre (et pour certains de pousser plus loin les objets que l'on ne veut ramasser).

Il n'empêche que ce processus devrait être général chez tous car il demande un effort minimum, est d'une facilité déconcertante, ne coûte rien et permet de vivre dans un environnement plus propre, plus sécurisé, plus sain tout en diminuant la pollution et les risques de maladie.

Il n'empêche que dans son processus de développement, l'accroissement des déchets et la pollution dans son ensemble seront des points critiques auxquels Haïti devra faire face.

samedi 1 décembre 2012

Haïti : L'hygiène et l'EAU


Vastes sujets que j'aborde là... et pourtant je n'en ai pas l'impression, aussi étonnant que cela puisse paraître.

La manière dont les haïtiens s'approvisionnent en eau dépend de son utilisation.

Si c'est pour être bu, l'eau est généralement achetée dans de gros boillons en plastique d'une contenance de un gallon (= 3.79 litres) qui peuvent être re-remplis “à la pompe” dans de petits commerces. Cela coûte 25 Gourdes (~0.6$) à Port-au-Prince, 35 Gourdes (~0.9$) à Carrefour vert alors qu'en comparaison un Coca de 5dl coûte 25 Gourdes. Ces fabriques puisent l'eau dans les nappes phréatiques et la purifie selon des procédés divers dont le plus répandu semble celui de l'osmose inverse que j'avais décrit dans ce poste. L'eau est également vendue dans de petits sachets plastiques (3 pour 5 Gourdes) plus facilement transportables, vendables et qui ont le grand avantage de pouvoir être refroidi. En effet, les haïtiens ADORE les boissons glacées.

Pour cuisiner, se laver ou réaliser d'autres tâches de nettoyage par exemple, les haïtiens s'approvisionnent plutôt aux divers puits que comprend la communauté. Ceux-ci peuvent ressembler à de simples trous plus ou moins profonds (de 1 à plusieurs mètres) creusés grossièrement dans la terre et délimités par un pneu de camion ou être renforcés intérieurement à l'aide de pierres empilées comme on les connaît (ou plutôt connaissait) chez nous.Le niveau des nappes phréatiques dans les alentours de Léogâne étant très bas en raison de la proximité de la mer, il n'est pas nécessaire de creuser profondément pour les atteindre. Un grand avantage me direz-vous ! Oui, mais cela peut aussi avoir des inconvénients que je mentionnerai après.
 
Finalement, le dernier type de puits est réalisé en ciment, est doté d'une pompe mécanique et permet d'aller chercher l'eau à des profondeurs bien supérieures dans des régions plus sèches ou exempt de cours d'eau. Ces puits sobres mais diablement efficaces proviennent d'organisations étrangères qui les ont construits, avant et après le tremblement de terre, afin que les populations aient un accès assuré et suffisant en eau. On a vu les machines à l’œuvre, cela fonctionne extrêmement bien et toute la communauté peut venir y puiser de l'eau durant la journée.
Vous l'aurez compris, l'approvisionnement n'est pas automatisé et il n'y a donc logiquement pas non plus de système de traitement des eaux. Dès lors, les haïtiens vont au puits plusieurs fois par jour avec un seau pour se ravitailler. Même si la vision du puits avec la corde trempée et le seau en lamelles de bois accolées semble archaïque, il faut rappeler que cette manière de faire était celle de nos arrière-grands-parents ou de leur parent à leur époque. De notre côté, nous sommes privilégiés car nous utilisons une petite pompe électrique qui remonte le précieux liquide sur le toit de la maison, grâce à un tuyau descendant directement dans le puits, où elle est stockée dans un château d'eau. De cette manière, lorsqu'il y a l'électricité, on peut enclencher la pompe et ainsi s'éviter de fastidieux aller-retours. L'ajout d'un robinet au rez-de-chaussé permet grâce à la simple gravité d'avoir de l'eau pour se laver.
Le problème majeur provient du fait que l'eau est polluée, ou plutôt souillée, et qu'en boire telle quelle ou se laver avec vous exposent à un grand risque d'attraper le choléra, la typhoïde ou la diarrhée pour ne citer que les plus sympathiques. C'est là que notre ami dénommé Chlorox intervient. En effet, pour traiter l'eau du puits et tuer tous les germes et autres bactéries qu'elle peut contenir, du chlore (ou eau de javel) est ajouté pour l'en débarrasser en 30 minutes approximativement. En pratique, on remplit un seau d'eau le matin (ou le soir) grâce à notre fameux château sur le toit, puis on y ajoute un bouchon de chlore pour que 30 minutes plus tard elle soit utilisable pour se doucher, se laver les mains ou faire la vaisselle et ce pour un laps de temps d'environ 24 heures après quoi il faut rajouter à nouveau du chlore.

Au début, c'était plutôt compliqué ne sachant jamais si j'avais les mains propres ou pas et si je pouvais dès lors toucher tel ou tel objet sans le souiller à son tour. Un peu comme en salle blanche (pour ceux qui connaissent), ou j'imagine à l’hôpital, où certaines zones requiert l'utilisation de sur-gants pour ne pas contaminer les gants de base avec un produit chimique quelconque et par la suite ses propres échantillons ou ceux de ses collègues. Ces questions récurrentes vous font devenir un peu hypocondriaque sur les bords et vous vous demandez sans cesse comment vous vous sentez, si cette petit lourdeur à l'estomac est annonciatrice d'une future diarrhée ou si cette transpiration inopinée veut dire que vous attrapez la fièvre. Mais une à deux semaines plus tard, on s'est habitué, on ne fait plus attention à ces pseudos symptômes et la douche redevient un bonheur sans tracas :-D.


 
Mais revenons à notre ennemi choléra qui est en fait la cause d'un problème d'hygiène je dirais récurrent : les défécations à l'air libre. Les familles ayant une maison en briques n'ont généralement pas de toilettes conventionnelles mais plutôt une latrine, simple cabinet avec un trou dans le sol afin d'y faire ses besoins. Des caissons en bétons peuvent également être construits en dessous afin de servir de container de stockage qui se doit d'isoler les défécations de l'extérieur (terre et eau du sous-sol). Lorsque ceux-ci sont remplis, ils peuvent être soit vidangés, soit scellés afin que le processus de compostage fasse son effet.
 
Les ménages plus pauvres utilisent également des latrines mais plus rudimentaires ou vont faire leurs besoins à l'extérieur, dans les champs de banane, de canne à sucre ou dans la rivière. Les pluies s'en suivant drainent ceux-ci dans le sol, la boue et finalement les cours d'eau propageant le risque de contamination. En effet, le choléra est transmis à une tierce personne de manière orale et la contamination est d'origine fécale. Donc vulgairement parlé, si vous buvez ou manger quelque chose contaminé par la merde de votre voisin malade, vous le serez également. Et sachant que les défécations à l'air libre sont très répandues dans les campagnes, le fait que des gens et le plus souvent des enfants boivent l'eau des puits est très problématique.

D'ailleurs, nous rencontrons souvent des haïtiens qui nous disent qu'ils sont malades, avec de la fièvre ou des maux de ventre. Outre le fait que beaucoup d'entre eux se baladent nus pieds autour de chez eux augmentant le risque d'attraper des vers ou une infection, plusieurs se lavent dans le ruisseau ou avec l'eau du puits mais sans la traiter. Dès lors, les causes de ces maux peuvent être multiples. Néanmoins, une grande campagne d'information a été réalisée auprès de la population pour l'inciter à se laver les mains le plus possible afin de diminuer le risque de transmission de bactéries dont celle du choléra.

Un groupement de la communauté qui essaie de réaliser des petits projets pour aider celle-ci est venu nous rendre visite afin de demander conseil sur des actions possibles et David leur a proposé de commencer un programme de latrinisation de la communauté sur le même modèle que celui développé avec succès dans d'autres régions pauvres par le CLTS (Community-led Total Sanitation) (http://www.communityledtotalsanitation.org/). Le principe est d’interpeller les gens d'une communauté sur le fait qu'en déféquant dehors et en buvant l'eau du puits, ils mangent la merde de leur voisin. Grâce à ce choc délibérément voulu, les gens sont dégoûtés et veulent dès lors entreprendre une action collective afin de creuser ou ériger des latrines pour mettre fin à 100% à ces défécations à l'air libre. Une cartographie des habitations avec et sans latrines ainsi que des zones souillées sera ensuite établi par les gens locaux pour définir un plan d'action efficace. Pour plus de détails quant à la procédure, vous pouvez vous référer au lien ci-dessus.
C'est donc ce projet qui a été lancé le dimanche 11 novembre dernier par ce groupement. A voir si cela va fonctionner ou non mais le fait que la zone de Léogâne soit proche des côtes est problématique car le niveau des nappes phréatiques est très haut (moins de deux mètres sous le sol) et donc interdit la construction de latrines simples, sans coffrage en béton, qui pourraient les polluer et empirer la situation. A voir donc...

Et pourquoi ne pas utiliser ces toilettes sèches développées dernièrement et que ces ONGs pourraient offrir à ces communautés ? Pour plusieurs raisons. Premièrement, le fait d'offrir des toilettes à 1000 personnes alors qu'elles sont 1 million à en avoir besoin est inutile surtout qu'une personne malade peut en infecter plusieurs autres. Dès lors, le but est d'atteindre une latrinisation de 100% de la population pour espérer éradiquer la bactérie.

Ensuite, les gens ont en général de plus grandes priorités que d'avoir une belle toilette pour faire leur besoins et il y a donc de fortes chances qu'ils démontent celle-ci afin de récupérer les montants en bois et planches en aluminium afin de consolider leur maison ou de renforcer leur étal pour le marché par exemple. Il faut toujours avoir à l'esprit que ce n'est pas parce qu'une bonne solution est proposée, qu'elle va être acceptée. Le plus important étant avant toute chose de convaincre les gens surplace. Et en agissant d'eux-mêmes, la rapidité d'action, les coûts et les effets peuvent être bien meilleurs que n'importe quelle solution externe aussi bonne et ingénieuse soit-elle.

Voilà quelques informations supplémentaires sur la vie par ici :-D.