mercredi 7 novembre 2012

Le Projet

Bah oui ! Et le projet là dedans ? Je ne l'ai pas oublié, je ne l'ai pas oublié.

Le but même de ce voyage est d'aller voir le monde, découvrir le mode de vie des gens ailleurs, leurs coutumes, leur histoire, se faire une fois pour toute une idée de la situation réelle du terrain par rapport à l'image projetée par les médias. Et cela particulièrement pour le travail humanitaire. Quels sont les besoins de ces populations, quelles sont les difficultés qu'elles endurent, quelles actions entreprennent les ONG surplace pour les aider ? Et plus généralement pourquoi à notre époque, est-il encore possible que certaines situations existent ? Impossible de répondre à tout, mais en participant au projet de David Patterson durant 3 mois, je pourrai me faire une idée et vous la faire partager.

Le lieu : Haïti, Carrefour Vert à 5km au sud de Léogâne).
Le projet pilote : établir plusieurs centres sociaux d'apprentissage qui puissent perdurer sur le long terme dans des communautés et déterminer un processus à suivre afin que ce projet soit reproductible et donc réalisable par d'autres personnes dans d'autres régions pauvres du monde.

Mais en quoi consiste ce Centre Social d'Apprentissage (CSA) ?

Intérieur du centre Dufort
C'est un projet communautaire (qui fait donc intervenir et participer les gens d'une communauté) pour aider les membres de cette communauté en leur fournissant un accès à internet pour un prix faible de 30 gourdes (= 0.75 $ US) pour une session de 3 heures, soit trois fois moins que dans les cybercafés situés exclusivement dans les grandes villes et donc à des distances éloignées voire rédhibitoires des communautés.
NDLR : Je vois déjà fuser les questions alors ne vous inquiétez pas, j'essaierai d'y répondre et si je ne l'ai pas fait dans le texte, posez la moi seulement.

30 gourdes c'est beaucoup ?
Un coca 5dl coûte 25 gourdes dans la rue, 6 mangues coûtent 50 gourdes au marché, un voyage de ~5km en tap-tap (bus local) coûte 5 gourdes, en moto-taxi ~20 gourdes, une heure d'internet dans un cyber café coûte 25 gourdes

Fonctionnement

Le CSA est tenu 7 jours sur 7, de 9h à 21h par des volontaires bénévoles de la communauté qui veulent aider leurs compatriotes à pouvoir profiter d'équipements informatiques efficaces (que seul il ne pourrait s'offrir), à un prix bas et tout en les aidant à les utiliser. Chaque matin, le centre est balayé, les laptops nettoyés et mis en place et les comptes vérifiés par les deux premiers leaders. La génératrice doit généralement être enclenchée dès le début de la journée afin de recharger les batteries du centre qui lui permettent un approvisionnement constant en énergie si le réseau électrique ne fonctionne pas (ce qui est très souvent le cas). Puis les sessions se succèdent, tout comme les leaders qui, avant de partir et en arrivant, font et vérifie le décompte des réservations réalisées et de l'argent obtenu.

Prix bas, vraiment ?
Oui, car le CSA est un business social qui ne fait aucun profit ! Cela signifie que les 30 gourdes demandées aux participants sont utilisées exclusivement pour payer les frais du centre, en d'autres termes : l'électricité pour les laptops, la lumière, etc, l'essence pour la génératrice en cas de rupture du courant (extrêmement fréquent), le coût de la connexion internet, le salaire du directeur du centre et le remboursement du coût des laptops et autres équipements sur une période de 5 ans.

Comment ça “remboursement des équipements” ?
Oui, car le CSA n'est pas une ONG (Organisation Non Gouvernementale) mais surtout elle n'accepte aucun don et ne donne également rien. L'argent provient d'un prêt fournit par un investisseur social (vous, moi, la Migros,...) et remboursé sur 5 ans sans que celui-ci ne touche un quelconque intérêt. C'est donc réellement un prêt d'argent pour aider à mettre en place une structure sociale capable à la fois de s’autofinancer, de rendre l'argent prêté et surtout de perdurer sans être dépendante d'aucun don ! Une logique qui permet à la fois une stabilité sociale (centre dirigé par des haïtiens locaux) et financière (centre auto-financé) au projet.

Et le salaire du directeur du centre alors ?
C'est en effet la seule personne payée dans toute l'organisation (David travaille gratuitement à ses propres frais) car elle travaille à 100% pour celle-ci. Elle a pour rôle de servir de lien entre le fondateur (David) et les leaders + participants, de superviser le bon fonctionnement des centres en faisant des contrôles réguliers, d'intervenir en cas de problèmes administratifs, financiers, électricité (mettre la génératrice en marche par exemple) ou de vol, de contrôler la bonne tenue des comptes et de la remise de l'argent en fin de semaine. A terme, chaque directeur supervisera et sera responsable de 3 centres (diminuant le coût par centre de leur salaire)
 

Centre Dufort
Il n'y a pas de location pour le centre ?
Non, car la maison est prêtée durant une certaine période (6 mois, un an, deux ans, ...) par quelqu'un voulant aider la communauté. Les maisons vident sont courantes car de nombreux haitiens exilés se font construire une maison en Haïti mais n'y vivent pas encore laissant le soin à leur famille de s'en occuper. Dès lors, deux ou trois pièces peuvent être prêtées au CSA pour y établir un centre. De plus, le prêt gratuit d'un tel espace montre une réelle envie d'aider la communauté et éloigne les gens ayant uniquement un intérêt pécunier dans le cas du location de l'endroit. De plus, cela évite les jalousies comme expliqué juste après.

Mais pourquoi décider de ne rien donner alors que ces gens n'ont justement rien !?
Ça parait radical et dur n'est-ce pas? Mais pourtant c'est une des volontés du projet et cela à cause de la nature même de l'homme. Si l'on donne une chose à une personne, son voisin voyant cela voudra également la recevoir et cela même s'il n'en a pas l'utilité. Voyez rien que chez nous au supermarché lorsqu'il y a des échantillons gratuits d'un produit que vous n'achetez en général pas, eh ben il y a de fortes chances que vous le preniez dans votre caddy sans même savoir ce que vous allez en faire. Si maintenant vous transposez cela en Haïti, l'effet sera d'autant plus décuplé. Ainsi, si vous n'avez pas la même chose à donner à tous alors vous allez faire naitre de l'envie et donc de la jalousie et de l'avarice entre les gens.
C'est là où le projet a une autre philosophie car c'est un projet social et communautaire ce qui signifie que comme il tourne grâce à des personnes locales, il faut avant tout que ce soit la communauté qui accepte le centre mis en place, croit en lui et voit l'aspect positif qu'il peut lui apporter. Le but est donc de faire croitre la motivation des haitiens à poursuivre le projet et s'entraider afin que celui-ci ait une chance de perdurer même après le départ de ses investigateurs.
Et comme l'argent, où qu'il soit, attire les convoitises, la jalousie et ainsi des personnes mal intentionnées, le centre fonctionne donc sans donation aucune.

Et quels sont les bénéfices pour les leaders et les participants ?
ça vient, c'est juste en dessous.

Leaders
Pour fonctionner, un centre a besoin de 28 leaders bénévoles réalisant 2 sessions de 3 heures chacune par semaine. Pour eux, cela constitue une expérience de travail dans une organisation qu'ils peuvent ensuite faire valoir à de futurs employeurs (sachant le peu de personnes travaillant, c'est un réel avantage). En effet, ils sont entraînés pour réaliser le travail administratif (présence, ponctualité, inscriptions, compte d'argent), apprennent certaines notions d'informatique et ainsi peuvent recevoir après une année de travail un certificat mentionnant leur aptitude à travailler de manière professionnelle et responsable dans le centre. En effet, durant leur session, les leaders sont responsables de l'argent des inscriptions ainsi que de tout l'équipement informatique (ce qui n'est pas rien). Ils ont également un accès gratuit à internet pendant leurs sessions de travail et aussi en dehors s'il y a des places libres. Finalement, de par leur travail bénévole et donc non rémunéré les leaders permettent à leur communauté d'avoir un accès à internet à très bas coût et ont également l'occasion d'aider les participants à utiliser des ordinateurs.

Participants
Pour les participants justement, l'intérêt est, comme dit précédemment, d'avoir une connexion internet à bas coûts qui leur permet principalement d'aller sur (...devinez ^^) Facebook afin de dialoguer entre eux, partager des photos et juste utiliser cet outil que les occidentaux et le reste du monde emploient. Perte de temps ?! Pas plus que pour nous. Et je dirais pas tant que ça car Facebook offre aux haitiens une plateforme pour exprimer leurs impressions, sentiments ou frustrations sur n'importe quel sujet comme des décisions politiques, leur situation de vie ou des événements comme les dernières inondations. En période d'élections, cet outil peut donc avoir une importance significative dans le partage et la confrontation d'informations sachant que les journaux sont très peu répandus et la télévision également. D'autre part, en communiquant, les personnes entrainent leur dactylo (moins important) mais surtout leur écriture et orthographe (pour autant qu'ils écrivent correctement, on est d'accord) qu'ils n'ont pas forcément l'occasion de pratiquer autrement.
Et outre Facebook, l'internet ouvre les portes vers des connaissances quasiment infinies avec des cours et des journaux en ligne, des statistiques, des images, des informations sur d'autres pays, leur développement, leur culture, des systèmes sanitaires efficaces, des récits historiques,... enfin tout... tout ce qui peut permettre de faire germer des idées, des objectifs et des rêves dans l'esprit des haitiens.

Est-ce que ça a des chances de fonctionner ?
C'est LA question ^^. Personnellement, je pense que oui. Actuellement, un centre est ouvert à Dufort depuis avril 2012 où 28 leaders travaillent et 160 participants s'inscrivent chaque semaine. Et au niveau des comptes cela joue également. Je rajouterais que l'avantage de ce projet est que dans le futur les prix tendront plutôt à diminuer car l'approvisionnement électrique ne peut que s'améliorer (évitant des frais pour l'essence de la génératrice), les prix pour l'internet aussi certainement (en plus couplés avec une augmentation du débit) et, comme mentionné plus haut, le nombre croissant de centres diminuera le coût par centre du salaire du directeur.

Et maintenant ?
Voilà donc dans les grandes lignes la description du projet et ses buts. Dans les prochains temps, nous allons ouvrir un autre centre dans de la communauté de Chavanne non loin de celui de Dufort et dont l'ouverture devrait se faire aux alentours de Noël si tout se passe bien. Vous pourrez d'ailleurs suivre l'avancée de l'établissement de ce centre dans cet onglet.

Et bien sûr, si vous avez des questions, n'hésitez pas :-).

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