mardi 27 novembre 2012

Le Projet : Formation des leaders

Dans le dernier post concernant le projet, je vous avais laissé en suspend sur la question : mais en quoi consiste cette formation donnée aux candidats ? Voilà quelques éclaircissements.

Initialement, la méthode utilisée par David consistait à expliquer les diverses procédures de travail aux candidats durant 6 sessions de 2 heures chacune. Administration à réaliser lors des inscriptions, ouverture et fermeture du compte d'argent pour chaque session, ponctualité des leaders ainsi que règles à respecter et à faire respecter dans le centre étaient donc décrites, expliquées et ré-expliquées. Mais la compréhension n'était pas aussi bonne qu'escomptée et de multiples erreurs étaient encore visibles même après la formation.

Dès lors, son idée a été de remplacer cette méthode par un jeu de rôle, une simulation dans laquelle le candidat agit comme s'il était réellement en train de travailler dans le centre avec les documents officiels. C'est donc ce jeu que nous avons développé et affiné durant les deux dernières semaines précédant la formation.

En voici le principe :


Le formateur, ou maître du jeu, est assis à côté de deux équipes de deux leaders qui se font faces et tient dans ses mains la liste des événements se déroulant durant la journée de travail. Sur sa feuille, une instruction dit par exemple : “A 9:20 AM, Robert arrive pour s'inscrire pour la session de 9:00 AM”, que le formateur doit reproduire en agissant comme s'il était lui-même Robert s'adressant à l'équipe de leaders. Dès lors, ceux-ci doivent lui demander la somme d'argent pour la session, inscrire son nom au bon emplacement et notifier sa présence. Après quels exemples plus ou moins similaires, le formateur simule la fin de la session et demande aux leaders de réaliser le travail administratif. Le leader responsable doit commencer par vérifier que les deux leaders de la prochaine séance sont bien arrivés et qu'il a rempli correctement la feuille de ponctualité. Puis, il doit écrire ses initiales à côté de chaque inscription réalisée durant la session, en déduire l'argent gagné, l'ajouter au montant qu'il a compté dans la caisse en début de session, vérifier que la caisse contient bien ce montant calculé et apposer sa signature. Il doit encore vérifier que les équipements électroniques sont bien là et en bon état puis donner les documents administratifs aux prochains leaders qui doivent vérifier à leur tour que le travail que je viens de décrire a été bien fait.

Après cela, une nouvelle session commence avec d'autres participants imaginaires en variant les situations, les cas de figure possibles et la difficulté. Bien entendu, le rôle du formateur est dans un premier temps d'expliquer le principe de fonctionnement et les actions à réaliser avant de corriger au fur et à mesure du jeu les erreurs que pourraient faire les candidats. A noter que comme j'ai fait environ 160 participants fictifs et donc choisi 160 prénoms parmi ceux que je connaissais, vous apparaissez quasi assurément dans le jeu ! ^^
C'est ainsi que, lundi 12 novembre, dans la même petite école de Sion, nous avons donc débuter cette formation avec 7 groupes de 4 candidats et 10 leaders, préalablement entraînés par David et moi-même, agissant comme formateurs. Un total de 38 personnes dont 10 femmes. Et la réaction fut positive car les gens étaient intéressés et amusés par ce jeu qui les faisaient interagir, s'entraider et mimer la réalité. De surcroît, une grande partie comprit assez rapidement le principe et déjà à la fin de la première séance nous pouvions voir les premiers progrès.

Après une autre séance le mercredi où les participants étaient déjà un peu moins attentifs, nous avons décidé de varier quelque peu le planning pour le vendredi en réalisant durant une heure l'explication des règles pour les participants dans le centre puis durant l'heure suivante une première évaluation des candidats toujours en utilisant la simulation. Les formateurs avaient l'ordre de ne pas leur donner d'indication et les leaders devaient ainsi s'entraider pour accomplir, si possible sans faute, leur travail. Bilan : effet escompté avec la concentration générale améliorée.
Le lundi et mercredi d'après, les règles que doivent respecter les leaders ainsi que les avantages qu'ils ont ont tout d'abord été passés en revue à travers divers sketchs qui les faisaient participer et mimer des situations pouvant se produire dans le centre. Puis nous avons continué comme à l'habituée avec le jeu administratif. Finalement, la 6e et dernière session du vendredi 23 novembre a débuté avec l'explication des futures étapes avant de poursuivre et conclure le jeu.

Actuellement, nous avons donc 45 candidats enregistrés sur la liste et nous en retiendrons environ 35 d'entre eux pour la suite du processus qui comprend une formation informatique de deux semaines sur les ordinateurs. D'ici là, il nous faudra mettre en place le centre en le raccordant au réseau électrique, en installant le système de transformateur et des batteries (comme expliqué sur mon post sur l'électricité), installer les tables et chaises et déplacer tout le matériel informatique dans la nouvelle maison. Tout cela pour lundi 10 décembre ! Je reviendrai sur tous ces points avec des petites photos avant-après pour voir la différence et avec des explications de la provenance de la maison, comment, pour qui, combien de temps, etc ;-)




vendredi 23 novembre 2012

Haïti : l'Electricité

Dans notre société, avoir de l'électricité est devenue aussi naturelle que de tourner le robinet pour avoir de l'eau (potable de surcroît) : une sorte de dû, de logique indiscutable. On appuie sur l'interrupteur de la lumière, de la télévision, de l'ordinateur sans même imaginer que ces instruments ne puissent s'allumer, tellement c'est improbable voire quasiment impossible de nos jours. Je suis pareil, habitué à ces gestes quotidiens que l'on fait sans y penser, sans avoir conscience de ce qu'ils représentent vraiment et de ce qu'il y a en amont.

 En Haïti, c'est tout le contraire car ici l'électricité est un bien plutôt rare. Vraiment ? Vraiment. Le réseau électrique n'est pas privatisé ce qui signifie que l'état possède la compagnie de production électrique appelée EdH pour “Electricité de Haïti”. Mais en raison du manque d'entretien des centrales électriques et du réseau dans sa globalité ainsi que de l’obsolescence des machines et infrastructures, l'approvisionnement électrique est piètre, les pertes élevées et la disparité dans la distribution du courant très grande. Donc à Port-au-Prince et les grandes villes ça va, ailleurs beaucoup moins. Par exemple, après le dernier ouragan, il a fallu attendre 2 semaines pour que l'électricité soit rétablie dans la commune de Léogâne. Mais tout cela n'est pas très parlant donc nous allons un peu étayer tout ça avec des chiffres.

Selon notre ami wiki (donc toujours à considérer avec précaution), Haïti possède la moins bonne couverture électrique de l'hémisphère ouest (donc Amérique du Nord, du Sud et Centrale réunies) avec seulement 12.5% de la population qui a un accès régulier (et enregistré) à l'électricité. Ce chiffre se monte à 25% si l'on considère les connections illégales. En effet, les habitants ont l'habitude de se relier manuellement au réseau avec leurs propres câbles (et donc de manière non autorisée) pour avoir de l'électricité mais sans la payer. En comparaison, à Port-au-Prince la capitale, la couverture est de 45%.

L'électricité provient à 70% de central thermique (i.e. on utilise de l'essence pour faire tourner des moteurs pour ensuite créer l'électricité) et à 30% du domaine hydroélectrique (mieux :-), cf schéma ci-contre). Cela rend donc la production électrique terriblement dépendante du prix du pétrole. Finalement, la durée moyenne quotidienne d'approvisionnement en électricité est d'environ 10 heures mais jamais en continu.

Il y a donc 3 moyens principaux pour avoir de l'électricité : soit on peut se raccorder au réseau boiteux, soit on a une génératrice, soit encore des batteries.

La génératrice
La génératrice est une boite plus ou moins grande selon la puissance de sortie que l'on désire fournir et contenant un moteur fonctionnant à l'essence. Lorsqu'il tourne, celui-ci entraîne en rotation un autre moteur, mais électrique cette fois, qui crée une tension alternative à ses bornes. C'est le même principe que les turbines des barrages (cf schéma du barrage) qui sont utilisées pour transformer l'énergie mécanique de l'eau entraînant les pâles, en énergie électrique. Cette énergie se présente sous la forme d'une tension qui est ensuite élevée à l'aide d'un transformateur pour être injectée sur le réseau électrique à travers les lignes à haute tension. Dans notre cas, la génératrice fournit du 110V alternatif (chez nous c'est du 220 V) sur lequel on peut venir se brancher avec une prise conventionnelle.

Les batteries

C'est un peu plus compliqué dans ce cas, mais grossièrement les batteries fournissent de l'électricité quand le réseau est coupé. Les batteries constituent un stockage de charges donc d'énergie électrique qu'elle peuvent restituer si on branche une charge à leur borne (par exemple une ampoule) mais uniquement sous forme continue : tension continue et courant continu. La tension donnée par les batteries est continue (en opposition à alternative), constante (cas idéal) et déterminée (par ex. 12V DC pour des batteries de voiture). Cela signifie que les batteries doivent être chargées à leur tension spécifique (12V dans notre exemple) et ne peuvent donc pas l'être à n'importe quelle tension, ni à n'importe quel courant sous peine de destruction de la bête. Mais pour les charger, il faut avoir de l'électricité :-D, donc soit utilisé le réseau de 110V alternatif ou une génératrice de 110V alternatif. Cela signifie qu'un autre animal est nécessaire entre deux pour descendre la tension alternative de 110V à une tension continue de 12V (toujours dans notre exemple) : c'est un transformateur (photo ci-dessous).

Le but est donc de charger les batteries quand le réseau électrique fournit du courant et lorsque celui-ci est coupé, c'est les batteries qui prennent le relais en fournissant l'énergie nécessaire pour alimenter les appareils électriques. Malheureusement, une génératrice et des batteries sont tous deux au dessus du budget de la majorité des haïtiens, d'autant plus qu'au coût propre de la génératrice s'ajoute celui de l'essence.

 Ces désagréments s'appliquent également à l'industrie et entre autres aux personnes voulant créer une entreprise. En ayant des coupures intermittentes de courant durant un total de 14 heures par jour, vous êtes obligés d'au moins investir dans une génératrice pour faire fonctionner vos machines et autres appareils électriques durant les heures de travail afin que vos employés soient productifs. Cet apport sporadique d'électricité est donc un frein certain au développement et pourrait en partie expliquer le fait qu'en 1998, le secteur primaire (agriculture, pèche, extraction de minerais) occupait 44.5% de la population, le secteur tertiaire (administrations, hôpitaux, écoles,...) 42.7% et le secteur secondaire (industrie, manufactures, usines, tourisme,...) seulement 12.8% [Source : Haïti : Mon livre de géographie 2, 2006, Edition Henri Deschamps].
Dès lors, la création de PME locales est rendue complexe pour des raisons financières et pratiques. De plus, ce genre de services boiteux n'est pas pour attirer des entreprises étrangères susceptibles d'améliorer un temps soit peu la situation économique du pays.

Et sinon, qu'est-ce que cela implique pour la vie de tous les jours ?

L'utilisation d'un frigo, même si il constitue un achat au-dessus des moyens de la majorité des gens, est rendue quasiment inutile. En effet, sans génératrice, le frigo ne peut pas fonctionner pendant 14 heures par jour. A cause de la température de 30 degrés en moyenne mais surtout de l'humidité ambiante de 80%, la moisissure s'insinue alors partout et excessivement rapidement empêchant de garder les aliments plus d'une nuit (même bien emballés). Les aliments à cuisiner autre que le riz doivent donc être achetés le jour même, chaque jour

De plus, quand la nuit tombe (et que le courant est lui tombé depuis longtemps ^^), vous vous retrouvez dans le noir complet (mais vraiment complet) et n'avez entre autres choix que d'allumer une lampe à huile, aller vous coucher, vous rapprocher d'une échoppe illuminée en bord de route (rare), aller chez un ami qui a de la lumière (rare) ou rester dehors pour discuter à la lueur des étoiles et servir de festin aux moustiques.

Prise de 7sec à 19h avec une moto à l'horizon
Prise de 7sec à 19h au même endroit mais avec la lumière d'une voiture :-)
Et mieux vaut être prévenant car si vous n'avez pas de lampe de poche en rentrant tard d'une visite ou du travail et ben “il va faire tout noir” et aucun moyen d'y voir clair. Certes c'est l'occasion d'aller au lit tôt mais ce manque de lumière est plutôt pénalisant pour les enfants qui ne peuvent de ce fait pas lire ou jouer après 18h00.

Et puis je me suis posé la question :
“Après tout, comme il y a 100 ans, les tous premiers ménages étaient éclairés à l'électricité, on peut présumer que vers 1920 les foyers à la montagne n'avaient pas non plus l'électricité. Certainement même qu'ils s'éclairaient à la lampe à huile et grâce au feu (sans plus de certitudes néanmoins, si d'ailleurs quelqu'un a des précisions quant aux dates et moyens utilisés à l'époque pour s'éclairer, je suis preneur)."
Donc oui, c'était il y a longtemps. Mais cela n'a pas empêché les suisses (et les européens), aussi basique leur situation eusse-t-elle été à l'époque, d'amener le pays là où il en est actuellement. Et le fait de vivre sans électricité n'induisait pas forcément que les gens vivaient mal; ils vivaient juste sans, autrement. Donc Haïti en est à ce stade dans son processus de développement qui continue son cours (d'où appellation de pays en voie de développement), mais qui n'implique donc pas forcément qu'un niveau de vie élevé pour tous est inatteignable.

Dans tous les cas, il me semble que l'amélioration de l'approvisionnement électrique ne pourrait induire que des effets bénéfiques sur la situation générale en Haïti, depuis le particulier jusqu'aux entreprises en ouvrant de nouvelles perspectives de développement. Mais des mots à la réalité, il n'y a pas qu'un pas même si les choses semblent néanmoins avancer [http://ayitinews.com/banque-mondiale-125-millions-pour-haiti/].

lundi 19 novembre 2012

Haïti : La ville et la campagne

Ou devrais-je dire LA ville et la campagne. LA ville, c'est Port-au-Prince, la capitale d'Haïti où vivaient 900'000 personnes en 2009 (2.3 mio pour l’agglomération) et dont le nombre est actuellement inconnu en raison de l'accroissement de la démographie mais surtout des morts induits par le tremblement de terre. Mais ce n'est pas la question du sujet.

Samedi passé 17.11.2012, j'ai donc sillonné à pied Port-au-Prince avec David et également “visité” son quartier de Pétion-Ville là-haut sur la colline. Et j'ai pu me rendre compte à quoi ressemblait la ville en comparaison avec l'endroit dans lequel je vis que l'on peut assimiler à la campagne. Et ce fait est excessivement important car à travers ce blog et ces articles j'essaie de donner une image la plus objective possible de la situation en Haïti malgré que cela soit à travers ma vision d'occidental. Et comme le plus important est de ne jamais tirer de généralité d'après un ou deux faits que l'on a pu observer, je suis obligé de distinguer la situation en ville de celle de la campagne car celles-ci ne peuvent en aucun cas être comparées ; de la même manière qu'on ne peut comparer la vie à la campagne de celle au centre ville chez nous.

Dès lors, il faudra garder à l'esprit que cet article et ceux qui suivront seront plutôt représentatifs (je m'efforcerai qu'ils le soient) de la vie rurale en plaine (et spécifiquement autour de Léogâne).

En effet, lorsque l'on pense à la campagne, on imagine instinctivement de vastes étendues, des prés, des champs où les travailleurs de la terre réalisent leur dur labeur à longueur de journée. Un endroit où il fait bon vivre grâce à la nature environnante mais en retrait quant aux commodités offertes par la vie citadine. C'est grossièrement l'idée que l'on en a n'est-ce pas ?




Et ici à Carrefour Vert, c'est grossièrement la situation telle qu'elle est, on fait avec ce que l'on a mais la nature nous offre ce dont nous avons besoin. Pour les commodités (électricité, eau, essence, marchands,...), elles sont là même si plutôt minimes.

Donc à la ville c'est similaire mais en mieux ? Justement pas forcément et c'est là que la distinction est importante à mon sens. Certes l'approvisionnement électrique est meilleur, l'essence plus facile à trouver, les fabriques d'eau plus nombreuses mais la densité de gens est autrement plus élevée, gigantesque même avec 24'300 habitants au km2 (en comparaison Mexico City en a 6000, Paris 21'000 et Shangaï 25'000). Et l'agglutinement d'autant de monde dans un espace restreint pose entre autres des problèmes sanitaires, de logement, de traitement des déchets, d'approvisionnement en nourriture et de recherche de travail.

Ajouter à cela un tremblement de terre qui a fait dans l'agglomération environ 200'000 morts et 1.2 mio de sans-abris et vous avez une situation générale précaire et saturée.





[Note importante : le dénombrement des victimes et sans-abris dans un pays développé doit certainement constituer un travail énorme et complexe mais dans un pays dont le recensement de peuple se fait par estimation car les gens n'ont pas tous de carte d'identité (et à jour !) ce travail devient impossible. Dès lors, ces chiffres sont à considérer avec beaucoup de précautions mais sont là pour donner un ordre de grandeur (la borne supérieure dans ce cas je dirais).]

Précaire car le tremblement de terre a réduit en poussière des milliers d'habitations, laissant de nombreuses personnes à la rue, sans rien, obligés de se loger avec ce qu'ils ont pu trouver et créant ainsi des bidonvilles supplémentaires à Port-au-Prince.

 
Saturé car la densité de gens est énorme et tous doivent trouver à manger. Il faut donc soit avoir un travail, un petit business, des bonnes combines ou alors des connaissances qui vous prêtent, donnent ou échangent quelque chose. Et le fait d'avoir quelque chose à vendre n'implique pas forcément que le client ait les moyens de l'acheter. Dès lors, avec une économie pas très florissante et un pouvoir d'achat faible, je me demande comment tout cela peut fonctionner.

Tout ceci fait que bientôt 3 ans après (le 12 janvier), Port-au-Prince n'a pas retrouvé sa superbe d'antan mais malgré tout les gens semblent se débrouiller, gentiment, en tous cas c'est l'impression que cela donne.

P.S. Malheureusement je n'ai pas de photos en gros plan de situations particulières comme des marchands, des étals, de la foule car d'une part les gens n'aiment pas être pris en photo, je ne suis pas fan non plus de les photographier dans leur situation et également car je n'ai pas envie de perdre mon appareil. Que l'on s'entende, il n'y a peut-être aucun risque (actuellement je n'ai encore jamais été inquiété), mais je ne préfère pas prendre le risque :-).

jeudi 15 novembre 2012

Le Projet : Premier Meeting et Interviews


La première phase de la création d'un nouveau centre dans la communauté de Chavannes est de réaliser une campagne d'information dans la communauté concernée afin de trouver des leaders. Ils doivent être en nombre suffisant pour qu'après les interviews et les formations, faisant offices de sélections, il en reste 28 qui soient compétents et fiables pour diriger le centre.



 

Donc jeudi 1er novembre dernier, nous avons organisé à 16h un meeting dans une école de la communauté de Chavanne ayant le doux nom d'Ecole Mixte Sion (ben tiens ^^). Sachant que les deux quotidiens de Haïti s'appellent : Le Matin et Le Nouvelliste, y a pas de quoi être dépaysé.
Le mot avait donc été passé dès la semaine précédente aux leaders du centre actuel de Dufort (cf map, d'ailleurs un petit endroit sur la côte s'appelle...La Coudre :-D...si c'est pas des coïcidences tout ça) afin qu'ils répandent la nouvelle. A 15h45, 4 à 5 personnes étaient présentes lorsque le directeur de l'école vint nous ouvrir... Autant dire personne. On apprit quelques minutes plus tard qu'un kilomètre en amont une ONG organisait une distribution de nourriture. Pour qui et pourquoi ? Peut-être à cause des inondations, mais cela faisait un moment qu'elles étaient passées. Utilité réelle ? : deux semaines après, aucune à mon avis.
Dans tous les cas, cela constituait une très rude concurrence peut-être responsable du peu de monde présent. Mais dès 16h00 et petit à petit, les gens arrivaient tant et si bien qu'à 16h30, lorsque David a finalement décidé de débuter la réunion, une cinquantaine de personnes étaient présentes dans la petite école (~60 à la fin). Très encourageant même si lors du dernier meeting à Dufort, il y en avait près de 100. Après une présentation d'une petite demi-heure, deux listes furent passées dans les rangs afin que les intéressés s'inscrivent pour les interviews agendées le lendemain. 50 inscriptions ! Très joli score qui est le fruit du travail entreprit depuis plus d'une année par David dans la communauté et les alentours pour informer et motiver les gens ainsi que du centre déjà en activité.
Deux jours plus tard, à midi pile, c'était le début des interviews dans la même école qui nous avait déjà accueillis. Juste le temps d'arranger quelques tables et chaises et nous commencions à questionner les premiers arrivés sur leurs motivations à vouloir travailler dans le centre, leur expérience, leur capacité à être à l'heure (ce qui est un défaut majeur des haïtiens... comment ça et de moi ?! ^^) ou encore le nombre de sessions qu'ils pourraient réaliser. Souvent timides, certains peinaient à exprimer leur pensée. D'autres, malheureusement, voyaient l'interview comme une sorte de contrôle avec des réponses soit bonnes, soit mauvaises. Ainsi, l'interview passée, ils allaient donner les “solutions” à leurs collègues qui nous les ressortaient tel quel, juste après, en croyant que l'on ne verrait pas la supercherie. Soit... ^^.Au final, 28 leaders ont été sélectionnés auxquels s'ajoutent 13 anciens leaders retenus pour un précédent centre ainsi que 4 autres personnes interviewées quelques jours plus tard.

C'est donc avec une liste de 45 candidats (dont 8 absents) que s'est déroulée la première réunion des leaders, le 8 novembre, dans le but de les informer sur la formation administrative qui allait leur être prodiguée sur 2 semaines à raison de 3 jours par semaine durant 2 heures à chaque fois ainsi que sur les responsabilités qui leur seront imputées.

Une dizaine de formateurs, nécessaires pour instruire les candidats, ont également été choisis principalement parmi d'anciens leaders lors de cette séance.

En quoi consiste cette formation ? Pas trop vite, on la fait au moment où j'écris ces lignes donc vous le saurez dans le prochain post sur le projet :-D

mardi 13 novembre 2012

A la plage !

Outre le cataclysme sanitaire et humain engendré par le tremblement de terre de 2010 en Haïti, celui-ci a également engendré la disparition quasi totale du tourisme sur l'île, qui décroissait déjà depuis plus de trente ans. Ceci est d'autant plus fâcheux que les haitiens auraient besoin de cette manne financière amenée par les touristes pour aider leur économie à repartir et surtout pour créer à nouveau les emplois perdus. Mais d'importants investissements sont actuellement entrepris par l’État et des partenaires privées pour que les croisières fassent à nouveau escale sur les plages haïtiennes, de nombreuses plages soient réaménagées et de grands centres balnéaires de vacances soient construits dans le but de faire doubler la capacité d'accueil des hôtels (de 1750 chambres à 3000 chambres). Dure tâche que de redevenir attractif.

Il n'empêche que Haïti n'a pas perdu ses belles plages de sable pour autant et c'est tant mieux car la semaine passée, j'ai eu la grande chance de pouvoir aller deux fois à la mer (et oui c'est une mer, celle des Caraïbes) : une fois au nord de Léogâne et ensuite au sud, à Jacmel.

Ces deux expériences m'ont laissé un sentiment contrasté, contradictoire. L'arrivée à la première plage était des plus “classiques” si j'ose dire avec un premier voyage de cinq minutes en moto-taxi jusqu'à Léogâne avant de prendre un tap-tap pour une quinzaine de minutes vers le nord où celui-ci nous déposait en bord de route. Étonnamment nous fîmes le reste du chemin à pied ce qui était fort agréable depuis le temps que je n'avais plus utilisé ce qui me sert habituellement de jambes. Les paysages étaient toujours aussi magnifiques avec cette végétation luxuriante en tout endroit mais les maisons de toiles construites en amas sur des terrains boueux nous rappelaient la dure réalité de la vie quotidienne. A l'approche de la plage, un grand portail nous barrait la route, faisant office d'entrée pour accéder à celle-ci. Et de plus payante ! Pas que je sois radin (quoique des fois...), mais il me semble que la plage est un lieu totalement public et que, de ce fait, son accès doit être libre pour les citoyens du pays en tous cas. D'autant plus que le prix d'entrée était fortement dissuasif pour une personne locale. Il semblerait (je dis bien il semblerait) que l'accès à la plage soit libre mais que de petits malins aient construits sans autorisation une petite infrastructure sur cette plage et qu'ils demandent depuis une taxe d'entrée pour le soit-disant service qu'ils offrent (nourriture, boisson, musique,...). Quand le gouvernement ne surveille pas... enfin bref.


Avalé bon gré mal gré la pilule, nous entrâmes donc dans l'enceinte pour aller se baigner. Toutes ces petites maisons blanches en toit de chaume qui jouxtaient (100 points au scrabble ça ^^) la plage semblaient comme sorties d'un catalogue de voyage de rêves. Mais connaissant maintenant Haïti et la situation des familles qui habitent à deux pas de là, ça me donnait plutôt une vieille boule au ventre.


Bref, j'essayais de passer outre cela et me rappelais aux bons souvenirs des journée à la plage d'Hauterive ou de St-Blaise en me jetant dans l'eau comme si je n'en avais plus vu depuis des années. Température chaude, salée au poil, vue méditerranéenne d'un côté (ie rien à l'horizon) et paradisiaque de l'autre avec palmier, sable et grand soleil. Une parenthèse rafraîchissante et extrêmement agréable autant au propre qu'au figuré.
Et ce n'est pas tout car 4 jours plus tard, afin de faire visiter la ville de Jacmel à sa tante Geneviève avant son départ, David nous avait concocté une virée à la mer en voiture mais au sud de l'île cette fois-ci. Autant dire tout un programme. Nous commençâmes avec une crevaison après seulement 5 minutes de route mais heureusement ce fut le seul hic de la journée. Une seule route mène à Jacmel depuis le nord et elle passe par...la montagne ! Youhouhou. Plus on prenait de la hauteur, plus je me sentais à l'aise dans ces magnifiques paysages montagneux. A cause d'une déforestation partielle des forêts pour principalement produire du charbon, les sommets étaient d'une part assez peu boisés mais surtout érodés et donc lisses alors que nous n'étions même pas à 1000m d'altitude. Cela a d'ailleurs des effets néfastes sur les villages de plaine comme de montagne qui sont sujets à des coulées de boue dévastatrices et qui sont problématiques car elles nécessitent de gros moyens (comme des véhicules de chantier) pour être évacuées (d'une route par exemple). A ce propos, la route était d'une qualité remarquable à la montée et plutôt jonchée de nids de poule en descendant sur Jacmel.
 

Rue de Jacmel
Surplace, nous pûmes nous faire une idée de cette ville très réputée pour sa beauté et sa culture. Pour ce qui est de la beauté, les stigmates du tremblement de terre sont encore trop visibles pour se faire une vraie idée de ce qu'était la ville avant. Pour la culture, nous avons visité quelques galeries d'art local où masques d'animaux à grande langue côtoyaient des tableaux de plantations de canne à sucre au coucher du soleil. Il y avait vraiment de beaux objets.
 
 
Puis nous nous dirigeâmes vers l'est cette fois-ci pour aller dîner dans un hotel-restaurant de bord de mer dont la plage en contrebas semblait également sortie d'un guide d'agence de voyage. Autant dire que la baignade fût fort appréciée et que le repas d'après également (surtout pour sa vue superbe). Le retour par la montagne au crépuscule clôturait cette journée de manière idéale.
 
Vue depuis le restaurant (plage en contrebas)
 
Retour par la montagne :-)

Sentiment contrasté je disais ? Oui, car j'ai encore de la peine à concevoir que des endroits aussi idylliques et luxueux soient construits alors qu'une grande quantité de gens sont dans une situation si précaire. Une sorte d'exhibition pertinente de richesses et de faste dont l'étendue est d'autant plus renforcée par la pauvreté environnante. Mais pour attirer des touristes, c'est ce genre de bâtiments qu'il faut construire, c'est ce genre de lieux qu'il faut aménager. Car les touristes et l'argent qu'ils dépensent surplace permettent de créer des emplois, de donner du travail aux haïtiens et ainsi d'améliorer leur condition. Cela permet encore de créer des petites entreprises (transport, restaurant, loisirs,...) et de faire venir d'autres investisseurs pour qu'au final les recettes de l’État augmente et qu'il puisse investir (ça,ça reste à voir) dans des domaine comme l'éducation, la santé, les routes, le réseau électrique ou le tourisme pour ne citer que ceux-ci.

Mais ce luxe ostentatoire est paradoxalement et quoiqu'on en dise une nécessité pour améliorer à terme la situation d'Haïti.

P.S. Désolé de placer des mots compte triple un peu partout mais vu qu'on a une langue riche, je m'amuse un peu à utiliser des termes qu'on emploie rarement voire jamais dans une conversation ;-D.

mercredi 7 novembre 2012

Le Projet

Bah oui ! Et le projet là dedans ? Je ne l'ai pas oublié, je ne l'ai pas oublié.

Le but même de ce voyage est d'aller voir le monde, découvrir le mode de vie des gens ailleurs, leurs coutumes, leur histoire, se faire une fois pour toute une idée de la situation réelle du terrain par rapport à l'image projetée par les médias. Et cela particulièrement pour le travail humanitaire. Quels sont les besoins de ces populations, quelles sont les difficultés qu'elles endurent, quelles actions entreprennent les ONG surplace pour les aider ? Et plus généralement pourquoi à notre époque, est-il encore possible que certaines situations existent ? Impossible de répondre à tout, mais en participant au projet de David Patterson durant 3 mois, je pourrai me faire une idée et vous la faire partager.

Le lieu : Haïti, Carrefour Vert à 5km au sud de Léogâne).
Le projet pilote : établir plusieurs centres sociaux d'apprentissage qui puissent perdurer sur le long terme dans des communautés et déterminer un processus à suivre afin que ce projet soit reproductible et donc réalisable par d'autres personnes dans d'autres régions pauvres du monde.

Mais en quoi consiste ce Centre Social d'Apprentissage (CSA) ?

Intérieur du centre Dufort
C'est un projet communautaire (qui fait donc intervenir et participer les gens d'une communauté) pour aider les membres de cette communauté en leur fournissant un accès à internet pour un prix faible de 30 gourdes (= 0.75 $ US) pour une session de 3 heures, soit trois fois moins que dans les cybercafés situés exclusivement dans les grandes villes et donc à des distances éloignées voire rédhibitoires des communautés.
NDLR : Je vois déjà fuser les questions alors ne vous inquiétez pas, j'essaierai d'y répondre et si je ne l'ai pas fait dans le texte, posez la moi seulement.

30 gourdes c'est beaucoup ?
Un coca 5dl coûte 25 gourdes dans la rue, 6 mangues coûtent 50 gourdes au marché, un voyage de ~5km en tap-tap (bus local) coûte 5 gourdes, en moto-taxi ~20 gourdes, une heure d'internet dans un cyber café coûte 25 gourdes

Fonctionnement

Le CSA est tenu 7 jours sur 7, de 9h à 21h par des volontaires bénévoles de la communauté qui veulent aider leurs compatriotes à pouvoir profiter d'équipements informatiques efficaces (que seul il ne pourrait s'offrir), à un prix bas et tout en les aidant à les utiliser. Chaque matin, le centre est balayé, les laptops nettoyés et mis en place et les comptes vérifiés par les deux premiers leaders. La génératrice doit généralement être enclenchée dès le début de la journée afin de recharger les batteries du centre qui lui permettent un approvisionnement constant en énergie si le réseau électrique ne fonctionne pas (ce qui est très souvent le cas). Puis les sessions se succèdent, tout comme les leaders qui, avant de partir et en arrivant, font et vérifie le décompte des réservations réalisées et de l'argent obtenu.

Prix bas, vraiment ?
Oui, car le CSA est un business social qui ne fait aucun profit ! Cela signifie que les 30 gourdes demandées aux participants sont utilisées exclusivement pour payer les frais du centre, en d'autres termes : l'électricité pour les laptops, la lumière, etc, l'essence pour la génératrice en cas de rupture du courant (extrêmement fréquent), le coût de la connexion internet, le salaire du directeur du centre et le remboursement du coût des laptops et autres équipements sur une période de 5 ans.

Comment ça “remboursement des équipements” ?
Oui, car le CSA n'est pas une ONG (Organisation Non Gouvernementale) mais surtout elle n'accepte aucun don et ne donne également rien. L'argent provient d'un prêt fournit par un investisseur social (vous, moi, la Migros,...) et remboursé sur 5 ans sans que celui-ci ne touche un quelconque intérêt. C'est donc réellement un prêt d'argent pour aider à mettre en place une structure sociale capable à la fois de s’autofinancer, de rendre l'argent prêté et surtout de perdurer sans être dépendante d'aucun don ! Une logique qui permet à la fois une stabilité sociale (centre dirigé par des haïtiens locaux) et financière (centre auto-financé) au projet.

Et le salaire du directeur du centre alors ?
C'est en effet la seule personne payée dans toute l'organisation (David travaille gratuitement à ses propres frais) car elle travaille à 100% pour celle-ci. Elle a pour rôle de servir de lien entre le fondateur (David) et les leaders + participants, de superviser le bon fonctionnement des centres en faisant des contrôles réguliers, d'intervenir en cas de problèmes administratifs, financiers, électricité (mettre la génératrice en marche par exemple) ou de vol, de contrôler la bonne tenue des comptes et de la remise de l'argent en fin de semaine. A terme, chaque directeur supervisera et sera responsable de 3 centres (diminuant le coût par centre de leur salaire)
 

Centre Dufort
Il n'y a pas de location pour le centre ?
Non, car la maison est prêtée durant une certaine période (6 mois, un an, deux ans, ...) par quelqu'un voulant aider la communauté. Les maisons vident sont courantes car de nombreux haitiens exilés se font construire une maison en Haïti mais n'y vivent pas encore laissant le soin à leur famille de s'en occuper. Dès lors, deux ou trois pièces peuvent être prêtées au CSA pour y établir un centre. De plus, le prêt gratuit d'un tel espace montre une réelle envie d'aider la communauté et éloigne les gens ayant uniquement un intérêt pécunier dans le cas du location de l'endroit. De plus, cela évite les jalousies comme expliqué juste après.

Mais pourquoi décider de ne rien donner alors que ces gens n'ont justement rien !?
Ça parait radical et dur n'est-ce pas? Mais pourtant c'est une des volontés du projet et cela à cause de la nature même de l'homme. Si l'on donne une chose à une personne, son voisin voyant cela voudra également la recevoir et cela même s'il n'en a pas l'utilité. Voyez rien que chez nous au supermarché lorsqu'il y a des échantillons gratuits d'un produit que vous n'achetez en général pas, eh ben il y a de fortes chances que vous le preniez dans votre caddy sans même savoir ce que vous allez en faire. Si maintenant vous transposez cela en Haïti, l'effet sera d'autant plus décuplé. Ainsi, si vous n'avez pas la même chose à donner à tous alors vous allez faire naitre de l'envie et donc de la jalousie et de l'avarice entre les gens.
C'est là où le projet a une autre philosophie car c'est un projet social et communautaire ce qui signifie que comme il tourne grâce à des personnes locales, il faut avant tout que ce soit la communauté qui accepte le centre mis en place, croit en lui et voit l'aspect positif qu'il peut lui apporter. Le but est donc de faire croitre la motivation des haitiens à poursuivre le projet et s'entraider afin que celui-ci ait une chance de perdurer même après le départ de ses investigateurs.
Et comme l'argent, où qu'il soit, attire les convoitises, la jalousie et ainsi des personnes mal intentionnées, le centre fonctionne donc sans donation aucune.

Et quels sont les bénéfices pour les leaders et les participants ?
ça vient, c'est juste en dessous.

Leaders
Pour fonctionner, un centre a besoin de 28 leaders bénévoles réalisant 2 sessions de 3 heures chacune par semaine. Pour eux, cela constitue une expérience de travail dans une organisation qu'ils peuvent ensuite faire valoir à de futurs employeurs (sachant le peu de personnes travaillant, c'est un réel avantage). En effet, ils sont entraînés pour réaliser le travail administratif (présence, ponctualité, inscriptions, compte d'argent), apprennent certaines notions d'informatique et ainsi peuvent recevoir après une année de travail un certificat mentionnant leur aptitude à travailler de manière professionnelle et responsable dans le centre. En effet, durant leur session, les leaders sont responsables de l'argent des inscriptions ainsi que de tout l'équipement informatique (ce qui n'est pas rien). Ils ont également un accès gratuit à internet pendant leurs sessions de travail et aussi en dehors s'il y a des places libres. Finalement, de par leur travail bénévole et donc non rémunéré les leaders permettent à leur communauté d'avoir un accès à internet à très bas coût et ont également l'occasion d'aider les participants à utiliser des ordinateurs.

Participants
Pour les participants justement, l'intérêt est, comme dit précédemment, d'avoir une connexion internet à bas coûts qui leur permet principalement d'aller sur (...devinez ^^) Facebook afin de dialoguer entre eux, partager des photos et juste utiliser cet outil que les occidentaux et le reste du monde emploient. Perte de temps ?! Pas plus que pour nous. Et je dirais pas tant que ça car Facebook offre aux haitiens une plateforme pour exprimer leurs impressions, sentiments ou frustrations sur n'importe quel sujet comme des décisions politiques, leur situation de vie ou des événements comme les dernières inondations. En période d'élections, cet outil peut donc avoir une importance significative dans le partage et la confrontation d'informations sachant que les journaux sont très peu répandus et la télévision également. D'autre part, en communiquant, les personnes entrainent leur dactylo (moins important) mais surtout leur écriture et orthographe (pour autant qu'ils écrivent correctement, on est d'accord) qu'ils n'ont pas forcément l'occasion de pratiquer autrement.
Et outre Facebook, l'internet ouvre les portes vers des connaissances quasiment infinies avec des cours et des journaux en ligne, des statistiques, des images, des informations sur d'autres pays, leur développement, leur culture, des systèmes sanitaires efficaces, des récits historiques,... enfin tout... tout ce qui peut permettre de faire germer des idées, des objectifs et des rêves dans l'esprit des haitiens.

Est-ce que ça a des chances de fonctionner ?
C'est LA question ^^. Personnellement, je pense que oui. Actuellement, un centre est ouvert à Dufort depuis avril 2012 où 28 leaders travaillent et 160 participants s'inscrivent chaque semaine. Et au niveau des comptes cela joue également. Je rajouterais que l'avantage de ce projet est que dans le futur les prix tendront plutôt à diminuer car l'approvisionnement électrique ne peut que s'améliorer (évitant des frais pour l'essence de la génératrice), les prix pour l'internet aussi certainement (en plus couplés avec une augmentation du débit) et, comme mentionné plus haut, le nombre croissant de centres diminuera le coût par centre du salaire du directeur.

Et maintenant ?
Voilà donc dans les grandes lignes la description du projet et ses buts. Dans les prochains temps, nous allons ouvrir un autre centre dans de la communauté de Chavanne non loin de celui de Dufort et dont l'ouverture devrait se faire aux alentours de Noël si tout se passe bien. Vous pourrez d'ailleurs suivre l'avancée de l'établissement de ce centre dans cet onglet.

Et bien sûr, si vous avez des questions, n'hésitez pas :-).

vendredi 2 novembre 2012

Visites en tous genres

Depuis la semaine passée, la tante de David, Geneviève, est venu nous rendre visite depuis le Canada afin de passer deux semaines ici et voir l'avancée du projet, elle qui était venue 2 ans auparavant en Haïti travailler avec David sur un autre projet de fours solaires. De quoi animer le quotidien !

Ces derniers jours d'ailleurs, j'ai eu la chance de pouvoir visiter quelques endroits typiques du coin comme la petite fabrique de traitement d'eau, une boulangerie et ai participé à la confection d'un repas de midi. En effet, comme je l'avais mis dans un post précédent, nous achetons le repas dans une petite cahute proche de la maison car nous ne sommes pas équipés pour faire la cuisine et également parce que les gens locaux la font bien mieux que nous.

La fabrique de traitement d'eau est située en bordure de route, pas loin de la maison et sert de point d'approvisionnement pour bon nombre de gens. Bien entendu, elle est assez rudimentaire mais le principe semble éprouvé et très bien fonctionner. Alors, comment ça marche ? L'eau est directement extraite d'un puit à l'aide d'une pompe électrique avant de passer dans un système de tubes et cylindres entremélés afin de réaliser la purification de l'eau par osmose inverse. Osmoquoi? Ah vous aussi ^^, alors grossièrement, après avoir consulté notre ami wiki (http://fr.wikipedia.org/wiki/Osmose_inverse), il s'agit d'un filtrage triple réalisé avec trois (d'où le triple) membranes de porosité différentes afin d'enlever les sédiments, les impuretés solides, les polluants et également le chlore présents dans l'eau.

Et donc, quand cette eau est purifiée, elle peut directement être versée à l'aide d'un robinet dans de grands boillons, comparables à ceux utilisés pour les fontaines à eau, que les gens viennent remplir à la fabrique. Cette eau est également vendue sous forme de petits sachets en plastique d'environ 10cm par 10cm qui sont réalisés surplace à l'aide d'une machine automatique versant l'eau dans une longue bande plastique de 10cm de large que la machine vient fondre tous les 10cm pour former les-dits sachets. Les marchands de boisson ambulants viennent ensuite acheter ces sachets à la fabrique afin de les revendre dans la rue.

Et la boulangerie ? Ah oui pardon. Donc c'est en rentrant dans une petite cahute (encore une) faite de quatre montants en bois recouverts d'une bâche bleue et en voyant de petits carrés de pâtes disposés les uns à côtés des autres sur une table en bois que je me suis rendu compte que cet endroit était en fait une boulangerie :-). Les apprentis boulanger s'activaient à façonner la pâte qu'il avait créée le matin même sur cette table recouverte de farine. Intéressés par le procédé, nous avons donc demandé comment ils s'y prenaient.
L'élaboration de la pâte est effectuée dans une grande seille en plastique d'environ un mètre de diamètre dans laquelle ils mélangent de la farine, de l'eau et de la levure (classique quoi). La pâte obtenue passe ensuite dans une presse cylindrique pour donner une bande de 30 cm de large et 2 cm d'épais qui est coupée afin de faire les fameux petits carrés précédemment cités. L'aspect sympa, c'est que la cuisson est faite dans un four, alimenté par une bonbonne de gaz placée à côté, mais identique aux cuisinières à gaz de l'époque. Dans le genre petit commerce local, on fait difficilement mieux. Et outre la plansanterie, ce genre d'initiative de la part de ces personnes pour créer ainsi un petit business afin de vendre du pain à leur communauté est remarquable et à encourager car cela leur permet à la fois de vivre grâce à l'argent qu'ils gagnent, de faire travailler d'autres personnes qui revendent leur pain comme tartine avec du beurre de cacahuète et également de fournir de la nourriture aux gens de leur communauté.

Finalement, nous avons aidé (malheureusement seulement un petit peu) la maman du directeur du centre qui est actuellement ouvert à confectionner le repas de midi afin de découvrir par la pratique la manière de cuisiner des haïtiens.

 Au menu : du poisson avec une sauce aux épices et noix de coco, riz haïtien avec pois Congo et salade, tomate et oignon. Autant alléchant sur le papier qu'en vrai :-D.

En Haïti, on cuisine dehors car les cuisines comme on a chez nous, ben y en a pas ou excepté dans les très belles batisses. C'était donc sous un couvert à l'abris du soleil qu'étaient entreposés les casseroles, bols et autres ustensiles de cuisine. Au milieu de ceux-ci tronait une volumineuse marmite avec de l'eau traitée pour des actions aussi diverses que rincer les aliments, laver la vaisselle, faire la cuisine ou se laver les mains.
 
Avant notre arrivée, la cheffe cuisine avait déjà été acheté le poisson, le riz et les légumes au marché et fait mariner le poisson cru dans une sauce claire avec des herbes. Ensuite, il a fallu râper une demi noix de coco avec une râpe artisanale. J'entends par là que cette râpe était faite à partir d'une boite de conserve de tomate dépliée après y avoir enlevé le fond et percée d'une multitude de trous à l'aide d'un poinçon spéciale. Où comment gagner énormément de temps gratuitement; un recyclage actif et efficace, j'adore ^^.


Entre temps, deux feux avaient été préparés dans des grills en métal avec du charbon et du “bois pin” qui est utilisé là-bas comme allume-feu. Avant de cuire le riz, de l'eau est portée à ébullition dans une grande casserole cabossée alors que pendant ce temps le poisson “mijote” dans l'autre contenant. Les guillemets sont à souligner car, comme vous le savez, il est difficile de régler l'intensité d'un feu :-P. Et trois quarts d'heure plus tard, c'était prêt (et j'ai même pas pris de photo ^^) !

Le voile était donc un peu plus levé sur une des (si ce n'est L') occupations journalières principale des haïtiennes (les hommes ne cuisinent pas). La préparation du repas de midi, qui est le seul de la journée, leur prend approximativement 3 à 4 heures surtout pour la préparation des légumes (laver, éplucher et couper).


Beaucoup de nouvelles découvertes, de nouvelles personnes rencontrées et une connaissance d'Haïti qui s'améliore de jour en jour. Et promis, bientôt un nouvel article sur une facette particulière en Haïti (c'est juste que ça prend du temps tt ça :-D)