vendredi 1 mars 2013

Bolivie : Huayna Potosi

Pfiou, longue histoire mais je vais essayer de faire bref. (pour ceux qui ne veulent pas se taper un plutôt long récit d'une "simple" montée à 6000m, vous avez meilleur temps de passer votre chemin ;-P). 

Le Huyana, là au loin [Wikipedia]
J'avais eu vent par plusieurs personnes (dont Christelle et Valentin que je remercie en passant) de treks sympas et variés dans la fameuse cordillère royale s'élevant au-dessus La Paz. 3, 4, 5 jours entre 4000 et 5500m d'altitude dans des paysages somptueux. De quoi me mettre l'eau à la bouche. Puis Quentin, un ami français rencontré lors du Salkantay trek à Cusco, m'a parlé de l'ascension en 3 jours du Huayna Potosi culminant à 6088m. Pour lui, une expérience incroyable avec guide et matériel complet prêté, le tout à un prix dérisoire comparé à chez nous. Et en plus, des 6000 faciles, y en a pas tant.

Partagé entre excitation et inquiétude (on ne rigole pas avec la montagne), l'idée a eu une bonne semaine pour faire son chemin. Et devant une telle opportunité je me suis dit qu'il valait mieux tenté le coup quitte à rebrousser chemin si les conditions ou le physique ne suivaient pas. C'était donc booké !

Les deux jours avant le départ j'ai donc pris soin de me faire à manger afin d'éviter tout problème d'estomac comme à Cusco. Choix judicieux à posteriori. A 8h45 lundi, j'étais donc à l'agence pour essayer le matos, faire le sac et partir vers la montagne avec mon compatriote de trek. Seulement, à 9h30, celui-ci n'était toujours pas apparu et un coup de téléphone nous apprit qu'il ne viendrait pas en raison de maux de ventre suite à un carnaval trop arrosé (bravo quoi). Tant mieux, j'avais le guide pour moi tout seul ^^. C'est donc en taxi (!?) que je rejoignais le premier refuge à 4700m où je devais rencontré mon guide et suivre une demie journée de formation technique. Mais n'ayant pas été averti de ma venue, celui-ci devait redescendre à La Paz me laissant seul pour la journée avec les gardiens du refuge mais en me disant qu'un autre guide arriverait “sans-faute” le lendemain. Heureusement, le gardien et sa fille étaient vraiment charmants et aux petits soins et je passai l'après-midi dehors à les aider à monter une étagère pour les sacs à dos :-). 
L'étagère en fabrication puis en place ^^
Je fis également une petite marche vers le lac du barrage ainsi qu'un autre en contrebas avec un temps pourri et froid pour le premier, seulement froid pour le deuxième ^^. 

Route serpentant jusqu'au lac
Et le lac au coucher du soleil
refuge du Rock camp
Le lendemain, mon guide William arriva comme convenu vers 9h et nous primes la route direction le Rock camp à 5130m d'altitude. Pas de grande difficulté ni de grosse dénivelée mais avec un sac d'environ 15kg, c'était plus qu'une simple balade. Néanmoins, 2h plus tard nous étions au refuge, seuls avec le cuisinier qui créchait là. 

La formation technique ? “Pas nécessaire afin d'économiser tes forces pour demain” selon lui. Ok...donc j'avais environ 5h avant le souper pour...ne rien faire et m'inquiéter par rapport au temps plus que maussade ainsi qu'au nombre de couches d'habits que j'allais mettre pour ne pas avoir froid mais pas trop chaud non plus. 

Vue depuis le refuge (le lendemain sans nuages)
Heureusement, un groupe de 4 français et leurs guides arriva dans l'après-midi ce qui mit un peu d'ambiance dans la cahute où on frisait méchamment avec la nuit approchant. Après le souper avancé à 17h, c'était dodo car le lendemain le réveil était prévu à 00h15. Mais vas t'endormir à six heures du soir alors qu'il fait un froid de canard, que t'as pas sommeil et que le lendemain tu vas faire un 6000 de nuit à la frontale ! 

Le "dortoir". On voit que y a déjà eu qq personnes avant nous.
C'est donc après m'être réveillé une dizaine de fois et dormi environ 2h au total que le moment fatidique arriva. J'optai pour 4 couches en haut, alors que mon guide m'incitait à en accumuler le plus possible, et 3 en bas en suivant cette fois ses conseils. En effet, je ne voulais pas avoir trop chaud en montant afin d'éviter de transpirer et je misais sur la qualité de mes habits pour me tenir suffisamment chaud quand même. Et au pire, il y avait encore une polaire et la veste de l'agence dans mon petit sac à dos gardé exclusivement pour la montée. 4 tartines et 2 matés plus tard, on était tous prêts, bottes et crampons au pied, harnais et corde ainsi que frontale enclenchée pour débuter l'ascension à 1h30 du matin. Petite anecdote : la frontale utilisée était celle que l'on avait reçue comme lot lors du championnat cantonal individuel de je sais plus quelle année ^^. Et feu c'est parti ! (Attention je switch au présent. Je demande pardon à mes profs de français pour cette erreur grossière mais c'est plus prenant comme ça) 

Dès le départ, la pente est raide, nous obligeant à marcher en quinconce d'un pas plutôt lent mais constant pour le souffle. Il fait nuit noire et seul le ciel étoilé vient troubler la quiétude du moment. Et quel ciel ! Dommage qu'il faille être concentré sur l'endroit où poser ses appuis. 

La montée dure, les lacets s'enchainent, la pente augmente et la fatigue commence à se faire sentir. Mais le plus dur reste de se focaliser exclusivement sur ses pieds, sans jamais les lacher du regard afin de ne pas déraper et risquer la chute. Rien d'autre à faire ou à voir, seulement rester concentré sur le meilleur endroit où poser son pied une demie-heure, une heure, une heure et demie durant... Puis les effets incroyables de l'altitude commencent à se faire sentir. Le souffle est court, des inspirations profondes et régulières sont nécessaires pour éviter une mini asphyxie passagère. Les cuisses faiblissent soit dû à l'effort ou au manque d'oxygène. Les maux de tête sont encore quasiment inexistants mais chaque changement de rythme se fait quand même brièvement sentir. 

Photo prise lors d'une pause (qualité pourrie à cause
du flash mais c'est pour l'ambiance)
On arrive alors face à un “mur”, une pente impressionnante à ~60% que l'on doit attaquer de face au piolet et avec les crampons. Pour bien assurer sa prise, un coup de pied franc dans la paroi est nécessaire avant de s'élever pour enchainer le pas suivant. Normalement rien d'extraordinaire mais à 5500m ces simples gestes dépensent beaucoup d'énergie. Arrivés au plat, le guide nous informe qu'après ~2h30 de montée,on a atteint...la moitié ! Gasp. Il reste donc 2h30 identiques, la fatigue en plus. Des pauses bien choisies permettent de s'hydrater abondamment et d'ingérer le plus de sucre possible (sous forme de chocolat). 


Une heure plus tard, vers 5800m, les sensations deviennent dantesques car se cumulant. Chaque rupture du rythme de respiration équivaut quasiment à la sensation de sortir la tête de l'eau pour prendre son souffle quand on manque d'air. Incroyable, presque impensable. Toute l'eau et la nourriture ingérées sont digérées lentement dans l'estomac qui, rationné en sang par l'effort, se crispe par moment laissant présager de possibles vomissements. Et la tête commence gentiment à taper. Mal des montagnes ou conséquence logique de l'effort? Les jambes aussi faiblissent, tressaillent, rendant le mental encore plus vulnérable devant ce mélange de douleurs couplées. Et pour ne rien arranger, le froid devient perçant (environ -15°C à 6000m) face au corps qui se refroidit constamment.

Puis arrivent les derniers lacets, on devine le sommet pourtant encore très haut. Le rythme des pas à 6000m est celui d'une personne très agée, tout se fait au ralenti. On s’essouffle maintenant à chaque pas car les mouvements vers le haut sont une lutte. Des conditions quasi inconcevables, indescriptibles, des sensations irréelles. 
Le sommet du Huayna au petit matin (photo prise à la descente, bien trop sombre à la montée)
Et le sommet se dévoile devant l'horizon s'éclairant lentement sous un ciel sombre, bleu cendré. A nouveau : vision irréelle, cinématographique. Une arête précède la dernière montée : 300m de vide à pic à droite, une méchante pente enneigée à gauche. Cet obstacle passé, il ne reste que quelques mètres.

Et c'est le sommet, enfin, but tant attendu et espéré pendant 4h30, objectif insensé à 6088 mètres de haut... 

Sommet à 6h du matin juste avant le lever de soleil

:-D
A 360° autour de soi, on toise les pics voisins, les vallées, les lacs, La Paz à l'horizon, on est comme au sommet du monde. Et là, le mental qui vous a tiré jusqu'en haut grâce à sa seule abnégation s'écroule et laisse retomber sur vos épaules la fatigue accumulée, le froid, la soif, les maux de tête et de ventre, vous coupant les jambes devant cette vue infinie. Et là, vous vous sentez comme touché par la grâce d'avoir eu la chance d'atteindre le sommet et d'être l'invité privilégié de ce spectacle grandiose. 

Le temps de prendre quelques photos pour immortaliser ce moment qu'il faut rebrousser chemin sous le soleil levant afin de rallier le refuge avant que la neige n'ait trop évolué. 1h30 de descente tout autant sublime sur les traces empruntées à la montée mais cette fois avec la vue alentours. Quel spectacle... 

La descente, pas facile. La partie à gauche est bien 1000m plus bas, celle sombre à droite ~2000m
...
Juste derrière se trouve le fameux passage à 60° mentionné à la montée
Mon guide Williams faisant une petite pause bien méritée
Puis au refuge, on packte à nouveau le grand sac avec toutes les affaires avant de redescendre au camp de base à 4700m en un peu plus d'une heure à nouveau. Mais on n'est plus à ça près à ce moment. Finalement, un minibus nous ramène à La Paz, il est 11h du matin, l'heure parfaite d'aller manger quelque chose de consistant pour se remettre de mes émotions et de cette matinée qui restera à jamais gravée au plus profond de moi.

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